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L'AMOUR INFINI
DE DIEU
POUR L'HOMME

L'amour infini de Dieu pour l'homme

© Joseph Fanelli

L'amour de dieu n'a pas de rival, il est sans égal.

« Nul  n'est en dehors de la tendresse et de l'amour de Dieu. »

Père Albert Ouedraogo

« Ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature,  rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »

Romains 8, 38-39

« Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur…

Vous connaîtrez ce qui surpasse toute connaissance ; l’amour du Christ. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu.
(Lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens 3, 18-19)

Sommaire de la page​

 

  • Dieu est Amour. L'Amour est aussi son message central

  • Mort de Jésus sur la croix : pas de plus grand amour

  • 4 Déclarations d'amour de Dieu pour vous

  • Évangiles commentés sur le thème de l'amour infini, extravagant, que Dieu éprouve pour l'Homme et le don que Dieu fait de lui-même pour l'Homme

 L'Amour est l'attribut principal de Dieu, et son message central

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Dieu le Père nous a aimés d'un amour inimaginable, et il nous aime encore comme il aime son propre Fils, qu'il nous a donné. Folie d'amour de Jésus, le Fils, pour son Père, Notre Père, et pour l'Homme, en allant jusqu'à s'incarner en homme pour venir nous transmettre son message d'amour et de pardon, nous visiter le plus près possible, racheter toutes nos fautes pour que Satan ne soit pas le vainqueur du monde. La Passion de Jésus-Christ, sa mort sur la croix, c'est l'illustration parfaite de la passion de Dieu pour l'homme, de son Amour infini.

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En retour, Dieu veut que nous l'aimions, mais librement, c'est pourquoi il ne s'invite jamais de lui-même dans la vie de l'homme, ne produit pas de grand miracle visible de tous, qui aurait pour conséquence d'obliger à croire. Au-delà de la magnificence et de la générosité de Sa Création (beauté et diversité de la nature, des paysages, des animaux, diversité des hommes...), Dieu envoie des signes discrets de sa Présence, se tient à la porte de chaque cœur et frappe, attendant patiemment l'ouverture. À chacun d'ouvrir.

Il souhaite que nous lui ouvrions la porte de notre cœur mais aussi de notre vie. Rien ne lui fait plus plaisir (mis à part une conversion), que d'établir avec chacun une relation d'amitié qu'il ponctuera de grandes grâces et de signes subtils de Sa Présence.

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Dieu nous demande aussi de nous aimer les uns les autres. De nous pardonner. Lui nous pardonnera, lors de notre mort, à la mesure de ce que nous aurons su donner et pardonner aux autres. Ce message d'amour qui semble impossible à mettre en œuvre, en particulier en ce XXIe siècle où l'individualisme est devenu une valeur de référence, Dieu le favorise en toute personne qui décide de suivre le Christ. Jésus nous demande de faire un peu. Lui fait le reste. L'amour est la seule attitude possible pour que l'humanité puisse vivre en harmonie sur terre.

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Enfin, Dieu nous demande de nous aimer aussi nous-mêmes, c'est-à-dire d'accepter notre fragilité,  et nos limites humaines, sans nous crisper sur elles.

Il n'encourage pas les fautes, au contraire, mais il nous demande aussi de ne pas nous bloquer sur elles, une fois le pardon accordé par Lui. Ressasser les péchés après la confession est un manque de confiance en Lui, en l'infini de Sa Miséricorde. Il nous demande au contraire d'avancer et de passer à autre chose, tout en faisant de notre mieux pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs.

Se désoler à outrance parce qu'on est pécheur peut être une forme d'orgueil, reprocher à Dieu, en quelque sorte, notre statut de créature imparfaite, c'est laisser l'ennemi nous faire croire que le chemin de sainteté est trop dur et que devant Dieu, nous sommes impardonnables.

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Personne, même le plus grand pécheur, n'est à l'écart de l'amour de Dieu. Dieu est Père et il nous aime tels que nous sommes et tels qu'il nous a créés.

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Jésus, Dieu-homme, est notre ami, mais aussi le frère de tous les hommes. C'est dans sa chair, sur la croix, qu'il a gravé le nom de chacun d'entre nous.

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Dieu est d'abord Amour et Miséricorde avant d'être Justice.

Mort de Jésus sur la croix,
pas de plus grand amour

Jésus blessures sur la croix fond noir
Frise de petits cœurs rouges auquarelle

« C’était déjà environ la sixième heure (c’est-à-dire : midi) ; l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure, car le soleil s’était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.

(Luc 23, 44-46)

« Un jour je demandais au Seigneur : « Doux Agneau immaculé, vous étiez déjà mort sur la croix, quand votre côté fut percé par la lance ; pourquoi donc avez-vous décrété qu’il fût alors frappé et si cruellement blessé ? » Jésus répondit : « Pour plusieurs motifs dont voici le principal : Mon amour pour les hommes était sans mesure tandis que les souffrances et la torture que j’endurai étaient limitées ; et ainsi je ne pouvais pas leur manifester l’étendue de mon amour pour eux, puisque mon amour est sans limites. J’ai donc voulu que mon cœur soit ouvert ; par là, vous connaîtriez ses secrets intimes et qu’il vous aimait bien plus que ne peut le montrer une douleur finie. J’ai manifesté tout cela par la plaie de mon côté ; là vous découvrez le secret de mon Cœur. Mon Cœur vous prouve mon Amour beaucoup plus qu’aucune souffrance limitée ne pourrait le faire. »

Sainte Catherine de Sienne - Les dialogues

« Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.

Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. »

(Jean 19, 33-35)

Pour lire le récit de la Passion du Christ dans l'Évangiles et connaître la vérité sur les souffrances qu'il a endurées, expliquées par des médecins et des histoiriens, lire la page La Véritable Passion du Christ

Jésus cherche l'homme

Aujourd'hui

comme il y a 2000 ans,

le Ressuscité parcourt

les moindres recoins de la terre
à la recherche de chaque brebis perdue et chacune d'entre elles

est l'Amour de sa vie.
TOI aussi,

il te cherche et t'aime comme si tu étais le seul homme ou la seule femme sur la terre.

Déclarations d'amour de Dieu à l'homme

Par le biais de Saints, auxquels il est apparu, Jésus a souhaiter renouveler aux hommes son message d'amour. Il est passé, par exemple, par le biais de Sainte Marguerite-Marie Alacoque, à Paray-le-Monial, à laquelle il a dévoilé son Sacré-Cœur. Voici plusieurs déclarations d'amour de Jésus.

La déclaration d'amour que Jésus t'envoie

« Cela risque de te choquer, mais avant de venir sur terre je n'avais pas de cœur qui bat. En Dieu il n'y a pas d'organe qui pompe du sang. 

Quand j'ai créé Adam, je lui ai formé un
cœur. J'ai créé les pulsations cardiaques pour qu'à chaque seconde, Adam se rappelle de son Créateur. Je voulais lui dire à chaque instant : je t'aime, je t'aime, je t'aime...

Lorsque je me suis fait homme, mon Père a formé un petit
cœur dans le ventre de Marie, ma mère. Et lorsque mon cœur s'est mis à battre c'était pour te dire : je t'aime, je t'aime, je t'aime. 

Puis durant mon ministère mon
cœur a été bien des fois mis à l'épreuve : par la souffrance des hommes, la tentation, les attaques des ultra-religieux, le rejet, la trahison, l'abandon. 

À Gethsémani mon
cœur a été pressé à tel point que des grumeaux de sang jaillirent de mon front. Là, je décidais d'écouter mon cœur... 

Sur la croix mon
cœur battit à tout rompre. Alors que je prenais sur moi la condamnation de tous les êtres humains, mon cœur poussait vers chaque cellule de mon corps tous tes péchés. 

Mon
cœur fut déchiré car pour la première fois j'étais séparé de mon Père. Mon cœur n'avait plus aucune de raison de battre. J'avais tout accompli. Alors il s'arrêta

Je baissais la tête et mourus. Et fus mis dans un tombeau. 

Mais au troisième jour, mon
cœur, miraculeusement, se remit à battre. Et il ne s'arrêtera plus jamais. Désormais dans le ciel, Dieu a un cœur qui bat... 

Et chaque battement te dit : je t'aime, je t'aime, je t'aime

En ce jour je prends tes mains et je les pose sur mon
cœur

Mon cœur bat pour toi... Je t’aime. »

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Je suis Jésus

@ Un miracle chaque jour

Portrait du visage de Jésus de Brent Borup

© Brent Borup

« Parce que tu as du prix à mes yeux,

que tu as de la valeur et que je t’aime »

Isaïe 43, 4

Déclaration d'amour de Jésus aux hommes Bible

dans la Bible

« Si tu savais le don de Dieu… » 

Jean 10)

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« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Jean 15, 9)

 

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

Jean 15, 13)

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Dessin Sacré-Cœur flammes rayon lumière jaune
Deux autres déclarations d'amour de Jésus pour toi

Aime-moi
Aime-moi, tel que tu es

« Je connais ta misère, les combats et les tribulations de ton âme ; la faiblesse et les infirmités de ton corps ; je sais ta lâcheté, tes péchés, tes défaillances ; je te dis quand même : "Donne-Moi ton cœur, aime-Moi comme tu es."

Si tu attends d’être un ange pour te livrer à l’amour, tu ne m’aimeras jamais. Même si tu retombes souvent, dans ces fautes que tu voudrais ne jamais connaître, même si tu es lâche dans la pratique de la vertu, je ne te permets pas de ne pas M’aimer. Aime-Moi comme tu es.

​

À chaque instant et dans quelque position que tu te trouves, dans la ferveur ou dans la sécheresse, dans la fidélité ou dans l’infidélité. Aime-Moi tel tu es.

​

Je veux l’amour de ton cœur indigent ; si pour m’aimer tu attends d’être parfait, tu ne m’aimeras jamais. Ne pourrais-je pas faire de chaque grain de sable un séraphin tout radieux de pureté, de noblesse et d’amour ? Ne pourrais-je pas, d’un seul signe de ma volonté faire surgir du néant des milliers de saints, mille fois plus parfaits et plus aimants que ceux que j’ai créés ? Ne suis-je pas le Tout-Puissant ? Et s’il me plaît de laisser pour jamais dans le néant ces êtres merveilleux et de leur préférer ton pauvre amour !

​

Mon enfant, laisse-moi t’aimer, je veux ton cœur.

Je compte bien te former mais en attendant, je t’aime comme tu es.

Et je souhaite que tu fasses de même : je désire voir, du fond de ta misère, monter l’amour. J’aime en toi jusqu’à ta faiblesse.

J’aime l’amour des pauvres ; je veux que, de l’indigence, s’élève continuellement ce cri : Seigneur, je vous aime. C’est le chant de ton cœur qui m’importe. Qu’ai-je besoin de ta science et de tes talents ? Ce ne sont pas des vertus que je te demande, et si je t’en donnais, tu es si faible que bientôt l’amour-propre s’y mêlerait : ne t’inquiète pas de cela. J’aurais pu te destiner à de grandes choses : Non, tu seras le serviteur inutile, je te prendrai même le peu que tu as, car je t’ai créé pour l’amour. Aime !

​

L’amour te fera faire tout le reste sans que tu y penses ; ne cherche qu’à remplir le moment présent de ton amour. Aujourd’hui je me tiens à la porte de ton cœur comme un mendiant, Moi, le Seigneur des seigneurs. Je frappe et j’attends, hâte-toi de m’ouvrir, n’allègue pas ta misère. Ton indigence, si tu la connaissais pleinement, tu mourrais de douleur. Cela seul qui pourrait me blesser le cœur, ce serait de te voir douter et manquer de confiance. Je veux que tu penses à moi à chaque heure du jour et de la nuit, je ne veux pas que tu poses l’action la plus insignifiante pour un motif autre que l’amour. Quand il te faudra souffrir, je te donnerai la force ; tu m’as donné l’amour, je te donnerai d’aimer au-delà de ce que tu as pu rêver.

​

Mais souviens-toi : "Aime-moi, tel que tu es."

N’attends pas d’être un saint pour te livrer à l’Amour, sinon tu n’aimeras jamais. »

​

Saint Augustin

J'ai soif de toi !

J'ai soif de toi !

« Voici que je me tiens à la porte et que je frappe.
C'est vrai ! Je me tiens à la porte de ton cœur, jour et nuit.
Même quand tu ne m'écoutes pas, même quand tu doutes que cela puisse être moi, je suis là.
J'attends le plus petit signe de réponse de ta part, le plus léger murmure m'invitant à entrer.
Et je veux que tu saches que chaque fois que tu m'inviteras, je vais réellement venir.

Je serai toujours là sans faute.
Silencieux et invisible, je viens avec l'infinie puissance de mon amour.
Je viens, apportant tous les dons de mon Esprit Saint.
Je viens avec ma miséricorde, avec mon désir de te pardonner, de te guérir, avec tout l'amour que j'ai pour toi ; un amour au-delà de tout ce que tu peux comprendre, un amour aussi grand que celui que j'ai reçu du Père.
"Comme le Père m'a aimé, je vous ai aimés."

Je viens, assoiffé de te consoler, de te donner ma force,
pour te relever, t'unir à moi, et panser toutes tes blessures.
Je t'apporte ma lumière pour dissiper toutes les ténèbres et tous les doutes de ton cœur.
Je viens avec ma puissance, afin de te porter toi-même et de porter tous tes fardeaux.
Je viens avec ma grâce pour toucher ton cœur et transformer ta vie.
Je viens avec ma paix pour apaiser ton âme.
Je te connais entièrement. Je sais tout de toi.
Tous tes cheveux sont comptés. rien de ta vie n'est sans importance à mes yeux.
Je t'ai suivi pendant toutes ces années, et je t'ai toujours aimé, même lorsque tu étais sur des chemins de traverse.

Je connais chacun de tes problèmes.
Je connais tes besoins et tes soucis.
Je connais tous tes pêchés, et je te le redis :
"Je t'aime, non pour ce que tu as ou n'as pas fait.
Je t'aime pour toi-même, pour la beauté et la dignité que mon Père t'a données en te créant à son image et à sa ressemblance. C'est une dignité que tu as peut-être souvent oubliée, une beauté que tu as ternie par le pêché, mais je t'aime tel que tu es et j'ai versé mon sang pour te ramener à Dieu.
Si tu me le demandes avec confiance,
ma grâce viendra te toucher et et combler.
Et je te donnerai ma force pour que tu sois libéré du péché et de son pouvoir destructeur.
Je sais ce qu'il y a dans ton cœur. Je connais ta solitude et tes blessures, les rejets, les jugements et les humiliations que tu as subis.
Tout cela, je l'ai porté avant toi et pour toi, afin que tu puisses partager ma force et ma victoire.

Je connais tout spécialement ton besoin d'amour. Combien tu as soif d'être aimé et d'être chéri et combien tu as cherché en vain à assouvir cette soif, dans un amour égoïste, essayant de remplir le vide de ton cœur dans les plaisirs qui passent, avec un vide encore plus grand, celui du pêché.

Est-ce que tu as soif ?

​

Venez à moi, vous tous qui avez soif, et je vais vous combler.
Est-ce que tu as soif d'être aimé ?
Je t'aimerai plus que tout ce que tu peux imaginer.
Je t'ai aimé jusqu'au point de mourir sur la Croix pour toi.
J'ai soif de toi. Oui, moi aussi, j'ai soif de toi !
C'est la seule manière dont je peux te dire mon amour pour toi.
J'ai soif de toi. j'ai soif de ton amour.
J'ai soif d'être aimé par toi.
Comme tu es précieux à mes yeux !

J'ai soif de toi ! Viens à moi !
Je vais remplir ton cœur.
Je vais soigner tes blessures.
Je vais faire de toi une créature nouvelle.
Je vais te donner la paix, au cœur même de toutes tes épreuves.
J'ai soif de toi.
Ne doute jamais de ma miséricorde, du fait que je t'accepte sans cesse, de mon désir de te pardonner, de ma soif ardente de te bénir et de vivre en toi ma propre vie.

J'ai soif de toi !
Si tu te crois sans importance aux yeux du monde, peu m'importe. pour moi, il n'y a qu'une chose qui compte :
rien n'est plus important dans le monde entier que toi.
Il n'y a qu'une seule chose dont je veux que tu te souviennes tout le temps, une seule chose qui ne changera jamais :
J'ai soif de toi, tel que tu es.
Tu n'as pas besoin de changer pour croire en mon amour qui va te changer.
Tu m'oublies, et pourtant je te cherche à chaque instant de ta vie, me tenant à la porte de ton cœur et je frappe.

Tu trouves que c'est difficile à croire ?
Alors regarde vers la Croix, regarde mon Cœur transpercé pour toi. Regarde vers mon Eucharistie.
Tu n'as jamais compris ma Croix ?
Alors, écoute encore une fois ce que j'ai dit sur la Croix :
"J'ai soif !" Oui, j'ai soif de toi.
J'ai cherché quelqu'un pour combler mon amour et je n'ai trouvé personne. Sois celui-là. J'ai soif de toi, de ton amour. »

​

Mère Teresa (testament spirituel)

Évangiles sur le thème de l'amour

Petite fille tenant lion dans ses bras
Bon samaritain, lévite, prêtre
Jésus présentant son Sacré-Cœur

« Quel est le premier de tous les commandements ? »

(Mc 12, 28b-34)

 

« En ce temps-là, un scribe s’avança pour demander à Jésus : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger. » 

 

Enfin un scribe capable de sympathie ! Il l'est, en tout cas, dans l'Évangile de Marc, et tranche, par-là, sur les précédents interlocuteurs de Jésus.

Dans son chapitre douzième, Marc a entrepris de présenter quelques thèmes de l'enseignement de Jésus à Jérusalem, et il le fait sous forme de questions disputées. La première, concernant l'impôt dû à César, a été posée par les Pharisiens et les Hérodiens. Une autre question-piège a été concoctée par les Sadducéens, à propos de la femme aux sept maris. Et voici notre scribe qui s'avance. "Il les avait entendus discuter, explique Marc, et voyait que Jésus leur avait bien répondu".

C'est donc parce qu'il se sent d'accord avec Jésus que le scribe l'aborde pour une vraie question : "Quel est le tout-premier commandement, celui qui passe avant tout ?"

Jésus répond, en somme : "Il y a un premier, et il y a un second". Il faut donc bien admettre une hiérarchie des devoirs. Mais Jésus précise : "Le premier, c'est : Écoute, Israël..." La phrase est brusque, et seul Marc cite ainsi le Shema‘ Israël, l'exhortation venue du Deutéronome (6,4), avant de continuer : "Tu aimeras".

"Écoute, Israël... tu aimeras" : le précepte s'adresse à la fois au peuple et à chaque individu, à la personne au sein du peuple.

"Écoute, Israël : le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est unique !" C'est cette révélation, cette proclamation monothéiste et cette référence à Dieu comme notre Dieu qui vont légitimer le précepte : "Tu aimeras". Le même appel adressé au peuple entrant dans la terre promise, sera repris, bien des siècles après, par le prophète Zacharie, annonçant les temps messianiques : "Le Seigneur deviendra Roi sur toute la terre : en ce jour-là le Seigneur sera unique et unique son Nom !" (Za 14,9).

"Maître, tu as dit vrai", répond le scribe ; et, avec les mots des prophètes, il tire les conclusions ultimes de la pensée de Jésus pour sa foi de fils d'Israël : "Cela vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices !".

La loyauté du scribe reçoit immédiatement sa récompense : il a reconnu comme vraie l'intuition de Jésus, il a fait sienne son interprétation libérante de la Loi ; Jésus, à son tour, loue sa sagesse et l'encourage : "Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu !" ; sous-entendu : "il te reste seulement à reconnaître son Envoyé."

L'acquiescement d'un scribe au message de Jésus prend de court ses opposants. Aucun d'entre eux n'ose plus l'interroger, puisqu'un homme sorti de leurs rangs lui a donné raison.

La portée missionnaire de ce ralliement n'a pas échappé à l'évangéliste saint Marc : ce pas qu'un scribe de Palestine a su faire vers la nouveauté messianique, pourquoi les croyants de la diaspora ne le feraient-ils pas ?

En tout cas, vingt siècles après, l'adhésion de ce scribe à un programme de vie basé résolument sur l'amour vient contester nos lenteurs de disciples du Christ.

Qu'avons-nous soustrait, de notre cœur, de notre pensée, de nos ressources humaines, à l'amour du Maître qui devait tout prendre ?

Mais aussi, de quels sacrifices rêvons-nous, de quelles prestations pour le Royaume, de quelles œuvres mesurables, si nous avons cessé de rêver au bonheur du frère tout proche ? Disciples du Christ, nous savons non seulement quel est le nom de Dieu, mais jusqu'où est allé pour nous l'amour du Dieu unique. Le commandement d'aimer nous parvient maintenant par la voix de Jésus, qui s'est livré pour nous. À chaque Eucharistie, c'est le Ressuscité qui nous réunit et qui dit à chacun : "Tu aimeras ; les paroles que je te prescris aujourd'hui resteront dans ton cœur".

 Frères et sœurs, la liberté et l'allégresse que nous apporte l'Esprit Saint doivent nous aider à réentendre le premier appel, la voix du Dieu Unique intensément présent à l'histoire, à notre histoire.

Aujourd'hui comme au premier jour un chemin nous est offert pour lui répondre : le sentier de la fidélité, que saint Paul, il y a un instant, résumait ainsi pour son cher Timothée :

"Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme qui a fait ses preuves, comme un ouvrier qui n'a pas à rougir, et qui trace tout droit le chemin pour la parole de vérité" (2 Tim 2,15).

Qui est mon prochain ? »

(Lc 10, 25-37)

 

« En ce temps-là, un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : ‘Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.’ Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. » 

​

 Allons droit à l'essentiel, et essayons d'entrer dans la pédagogie de Jésus.

Ce qui frappe tout d'abord, c'est que Jésus répond à une question en questionnant à son tour. Le scribe lui demande : "Que dois-je faire ?" Jésus répond : "Que lis-tu ?" Le scribe ne questionnait pas tant pour savoir la vérité que pour mettre Jésus à l'épreuve en l'entraînant sur le terrain des querelles théologiques. Jésus ne relève pas l'agressivité de cette question-piège, et il ramène l'homme face à la vérité qu'il ne cherchait pas vraiment. Il lui dit, en quelque sorte : la réponse, tu la connais, et c'est toi qui vas me la donner. Et de fait le scribe rapproche infailliblement deux versets du Deutéronome et du Lévitique.

Ainsi en va-t-il souvent des questions que nous posons à Dieu : "Que dois-je faire ? Quel est le sens de ma vie ? Comment cela se fera-t-il ? Comment ce que je vis débouchera-t-il sur la vie éternelle ?" Jésus pourrait nous dire : la réponse, tu la connais déjà ; mon Père depuis longtemps te l'a livrée.

Effectivement, au niveau de la mémoire et du raisonnement, à partir de la parole de Dieu nous sommes capables d'articuler une réponse très sensée et que nous savons définitive, nous sommes à même de "bien répondre", sans que cela change notre vie. Or Jésus nous attend au niveau de la vie et de l'action : "Fais cela et tu vivras" ; "engage dans ta relation au Père toutes les ressources de ton affectivité et de ton intelligence, aime-le avec la passion de le connaître, et comprends-le avec ton cœur. Use tes forces à le chercher. Redis sans cesse : 'Abba, Père !' C'est cela qui fait vivre ! Et puis refais chaque jour pour chacun de tes frères le rêve de bonheur que tu fais pour toi. Désire intensément pour lui la liberté que tu veux pour toi, la beauté et la paix que tu cherches pour toi. Fais cela, fais-le de grand cœur, et tu auras la vie."

Autre trait frappant de la pédagogie de Jésus : il aime renverser les perspectives. Le scribe lui demande : "Qui est mon prochain ?" Jésus répond : "Celui dont tu te rends proche". Ton prochain, ce n'est pas une catégorie d'hommes bien déterminée que tu connaîtrais à l'avance ; mais c'est tout homme, car tu peux te rapprocher de tout homme et rendre tout homme tout proche de toi.

Ainsi Jésus étend à toute l'humanité le champ de notre amour. Souvent le prochain sera fortuit, et nous n'aurons pas de raison spéciale de l'aimer ou de nous rendre proches de lui, pas d'autre motif qu'une rencontre ménagée par le Seigneur. Le Samaritain aurait eu mille raisons de laisser agoniser ce Judéen au bord de la route ; mais, simplement, "il l'a vu et il en a eu pitié".

C'est toujours ainsi que commence la charité : il faut savoir regarder et rester vulnérable au malheur, aux besoins et aux appels. Mais on ne sait jamais où la charité finira : après le moment de la pitié vient le moment de la charité active ; après les soins d'urgence viendra le transport du blessé, puis s'ajouteront les frais d'auberge ou d'hôpital. Car c'est souvent un blessé, un frère blessé, une sœur blessée, que Jésus met sur notre route. Or un blessé ne peut pas faire grand-chose pour se soigner et pour guérir : il a besoin de nous.

Une chose est certaine : si on ramasse le blessé, il faudra repasser le voir ; si on s'arrête quand un homme souffre, il faut s'attendre à payer la note à la place des bandits.

Si nous nous arrêtons tout au long de la route chaque fois qu'un frère ou une sœur ont besoin de nous, nous arriverons sans doute en retard pour beaucoup de choses, nous aurons perdu le temps de bien des joies et l'argent de bien des négoces, mais nous aurons vécu pour l'unique nécessaire, car en nous faisant tout proches du plus perdu, du plus seul, du plus désespéré de nos frères, nous nous serons approchés tout près du cœur de Dieu.

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,

et ton prochain comme toi-même »

(Mt 22, 34-40)

 

« En ce temps-là, Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. » 

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Le double commandement de l'amour, dont Jésus a fait le condensé de son message, se retrouve constamment à la base de la pédagogie de Dieu : Dieu nous conduit par la voie que Jésus a montrée ; par amour il nous ramène au chemin de l'amour, et parce que le second commandement est semblable au premier, Dieu, à qui rien n'est impossible, nous conduit, de ses mains de Père, par l'amour fraternel à l'amour théologal, par l'amour théo­logal à l'amour fraternel, pour sa gloire, finalement, et le salut du monde.

Dans notre cheminement de prière, dans notre quête du Bien-aimé, de sa présence et de sa joie, l'Esprit de la vérité ne nous laisse pas oublier l'amour fraternel. Au long des années la conviction finit par s'ancrer en nous que nous vivons dans l'illusion si notre aventure de foi et d'espérance ne nous branche pas, au jour le jour, avec réalisme et détermination, sur l'aventure fraternelle, à tous ses niveaux : communautaire, local, et universel. La certitude grandit en nous, déposée chaque jour par l'Esprit, que notre journée fraternelle de support, d'entraide et de compréhension, est la traduction directe de notre amour théologal, la trace que notre amour de Dieu doit laisser sur le tissu journalier de nos relations.

Dieu veille, dans nos vies, sur le double amour; et lorsque nous nous retournons sur notre vie passée au Car­mel, nous nous apercevons que les grandes étapes de notre chemin spirituel ont toutes été des étapes de la chari­té, des libérations par l'amour de Dieu qui ont agrandi l'espace de notre cœur et nous ont permis d'assumer avec plus de gratuité, d'abandon et de joie, le service, le dialogue, les efforts de compréhension, et les mille nuances du contrat fraternel.

Le double amour est tellement essentiel, dans le dessein de Dieu, que Dieu affectionne de se manifester à nous dans le concret de notre vie fraternelle. À ces moments bénis, moments de grâce immergés dans notre quo­tidien, l'amour que vit Dieu vient habiter l'amour que nous tentons de vivre; par la force de l'Esprit, notre pauvre amour fraternel relance notre amour de Dieu, et les humbles dépassements que nous consentons dans le dialogue ou la solidarité se prolongent de manière imprévue dans notre cœur à cœur avec Jésus, qui a pris vraiment pour lui ce que nous avons fait, dit, ou montré, à la plus petite ou à la plus ingrate de ses sœurs..

À l'inverse, et parce que la pédagogie de Dieu est insaisissable, il arrive que Dieu, avec force et dou­ceur, vienne nous rappeler quel désir il a d'être aimé, choisi, préféré.

Il nous redit, à certains jours de plus grande lucidité, que c'est lui seul qui donne sens à la vie fraternelle, et qu'au-delà de la joie d'être ensemble il veut nous donner la joie de chercher ensemble son visage, de chanter ensemble son mystère, de découvrir ensemble sa volonté et son plan de miséricorde pour le monde.

Aux heures où parfois le projet fraternel s'éloigne, se banalise ou retombe au niveau du paraître et des réussites immédiates, il est bon que se réveille en chacune et en toutes le sentiment qu'il y a ici "plus que Salomon", plus qu'une sagesse purement humaine.

Il nous est bon d'éprouver à notre tour le saisissement de Jacob après la rencontre de l'Ange : "Que ce lieu est sacré, et je ne le savais pas !"

Que ce lieu fraternel est sacré, et déjà nous allions l'oublier !

Jésus maltraité par les romains a aimé ses ennemis
Jésus regardant une brebis dans ses bras
Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis

« Aimez vos ennemis »

(Mt 5, 43-48)

 

« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » 

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"Aimez vos ennemis", dit Jésus.

Mais peut-être disons-nous : "Moi, je n'ai pas d'ennemis. Je ne suis pas connu ; je n'ai pas de responsabilités politiques. Je n'ai pas à commander, et très peu à donner mon avis !".

C'est vrai : nous ne sommes pas vraiment en danger : personne ne menace notre vie ni notre liberté.

Et pourtant, si nous regardons en vérité ce qui se passe dans notre cœur, dans notre désir, dans notre mémoire, nous découvrons combien l'agressivité nous habite et nous travaille.

Nous n'avons pas de vrais ennemis, mais nous en voulons parfois à beaucoup de gens, lointains ou proches.

Nous leur en voulons de ne pas nous reconnaître tels que nous nous voyons, de ne pas deviner ce que nous désirons, de ne pas nous accepter tel que nous sommes ; nous leur en voulons d'être eux-mêmes et de le rester.

Même quand personne n'en vient à nous haïr, nous en voulons à beaucoup de ne pas nous aimer.

Même si nous n'avons pas vraiment de haine pour personne, nous laissons se rétrécir le cercle de ceux qui nous intéressent. Au-delà du cercle, très près de nous parfois, mais déjà très loin de notre cœur, nous apercevons ceux et celles dont nous n'attendons plus rien, ni affection, ni regard , ni compréhension ni sympathie.

Nous aimons "ceux qui nous aiment", nous nous attachons à ceux qui nous valorisent, nous saluons ceux qui les premiers ont fait le geste de nous saluer.

Bref, notre moi reste au centre de tout, et c'est cela que vise Jésus, car si l'on ignore la gratuité, on tourne le dos à l'amour.

Le remède existe, mais il est onéreux, et Jésus ne le cache pas : "Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait".

Notre Père est parfait dans sa manière d'aimer, parce que sa tendresse est toute gratuite et sans frontières. Il n'y a pas de frontières, dans le cœur de Dieu, entre les bons et des méchants.

Il n'y a pas de cercle de privilégiés, car tous ont le privilège d'être aimés comme des fils et des filles. Même si nous n'avons pas d'ennemis acharnés, la grande affaire pour nous est de vivre vraiment comme les fils et les filles d'un tel Père, et de garder toujours dans notre cœur un peu de soleil pour tous ceux que nous côtoyons, un peu de pluie pour leur jardin et leurs semailles, une petite lumière qui les invite à entrer.

II ne suffit pas de reconnaître l'agressivité qui parasite nos sentiments, il faut surtout libérer la bonté qui en nous se cache ou s'endort.

Car on peut vivre authentiquement sans connaître la renommée et sans laisser aucune œuvre mesurable, mais on aura tout manqué sur cette terre si l'on n'a pas fait à la bonté toute sa place.

C'est par elle qu'on ressemble à Dieu...

Avec lui c'est notre air de famille.

« Ils étaient comme des brebis sans berger »

(Mc 6, 30-34)

 

« En ce temps- là, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. »

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Tout joyeux, les Douze reviennent de leur première mission. Selon les consignes de Jésus ils étaient partis deux par deux pour proclamer partout qu'il fallait se convertir, pour chasser les démons et guérir des malades. Et les voilà de retour, heureux de la confiance que Jésus leur a faite, mais harassés de fatigue après cette longue tournée.

Se reposer sur place est impossible : les gens vont et viennent sans arrêt pour voir Jésus et causer avec lui. Mais Jésus, en vrai chef, a vu le problème, et il prend les devants : "Venez dans un lieu désert pour vous reposer un peu". Et tous ensemble partent, en barque, vers un lieu tranquille à l'écart de la foule.

Mais ce ne sera pas un repos banal, une simple détente où l'on oublie tout souci et toute peine.

Ce sera le repos avec Lui, pour l'écouter et pour lui confier tout, le repos qu'il promet à tous les hommes qui se tournent vers lui avec confiance.

"Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur" (Mt 11,28s).

Et nous retrouvons les douze disciples dans la barque, à l'école de Jésus, se reposant en l'écoutant et en lui racontant tout ce qu'ils ont fait, tout ce qu'ils ont enseigné.

Mais sur les collines avoisinant le lac, les pauvres n'ont pas quitté des yeux la barque de Jésus qui s'éloignait. En voyant quelle direction elle prenait, beaucoup ont compris en quel endroit Jésus menait son équipe. Et quand il débarque avec les siens, au lieu de trouver la tranquillité, la paix, le silence reposant, il découvre sur la côte une foule de gens venus à pied de toute la région, des malades et des pauvres accourus pour être guéris ou soulagés, et aussi des hommes et des femmes arrivés rien que pour entendre Jésus parler du Royaume de Dieu.

En voyant ces milliers d'assoiffés, Jésus éprouve pour eux une immense pitié. Il les voit tous, là sur la berge, comme des brebis sans berger, avec, dans les yeux et dans le cœur, une immense espérance.

Puis Jésus, Berger modèle, commence sur place à leur donner la nourriture essentielle : sa parole. Longuement il leur parle du Père, de son amour et de sa volonté. Et à la fin de la journée, parce qu'il a pitié de leur fatigue et de leur faim, il les nourrit tous en multipliant cinq petits pains et deux poissons séchés. Quant aux disciples, ils reprennent du service. Cinq mille hommes à nourrir, sans compter les femmes et les enfants : cela fait plus de quatre cents personnes par Apôtre ! Quelle journée, Seigneur ! Ils se croyaient en vacances avec Jésus, et Jésus lui-même les remet au travail, comme s'il voulait leur faire comprendre ses propres soucis de Berger : "le bon Berger donne sa vie pour ses brebis".

« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »

(Jn 10, 11-18)

 

« En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

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Jésus aimait à comparer ceux et celles qui venaient à lui à des brebis sans berger (Mc 6,34; Mt 9,32), égarées et retrouvées (Mt 18,12; Lc 15,3-7), ou encore à des brebis choisies, par opposition aux chèvres noires (Mt 26,32); et il se voyait lui-même comme le berger type, le berger modèle : le « bon berger ».

À ses yeux, le propre du vrai berger est qu'il est prêt à donner sa vie. C'est bien pourquoi, le soir du Jeudi Saint, sur la route de Gethsémani, Jésus, citant le prophète Zacharie (13,7), avertit ses disciples en disant : « Tous, vous allez tomber, car il est écrit : "Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées". Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée » (Mc 14,27-28. Mt 26,31).

Face au danger, Jésus ne fuira pas comme un mercenaire. Il mourra à son poste ; mais sa mort sera une victoire, et, de nouveau vivant, il rassemblera ses brebis un instant dispersées par le chagrin et le doute.

Même en dehors de ce moment d'héroïsme, Jésus conçoit son rôle d'une manière très personnalisée. Le vrai berger, en effet, « connaît ses brebis, et les brebis le connaissent », et cette réciprocité de connaissance est aussi une réciprocité d'amour, analogue à celle qui unit Jésus à son Père.

Jésus se décrit donc lui-même comme le Pasteur qui connaît toutes ses brebis et chacune par son nom. Toutes écoutent sa voix et reconnaissent sa voix. Chacune est appelée, chacun reçoit son nom, chacune est conduite, mais parmi toutes. Il n'y a pas de laissées pour compte parmi les brebis de Jésus. Forte ou chétive, chacune aura, si elle le veut, « la vie en abondance ». Mais aucune ne pourra chercher la vie en dehors du troupeau. Le troupeau de Jésus sera donc, pour chacune, le lieu de l'accueil et le lieu du devoir, le lieu de la liberté et le lieu de la responsabilité. Assurée d'avoir tout son prix aux yeux du Pasteur, chaque brebis sera sans cesse réinsérée par lui dans le troupeau, le seul lieu où se trouvent celles qu'il aime, le seul lieu où l'on peut vivre quand on le suit et qu'on l'aime.

Un troisième trait du Bon Pasteur selon Jésus est qu'il est berger universel.

Certes, il repart tous les matins avec les brebis de l'enclos, mais il regarde sans cesse plus loin, vers d'autres brebis qui déjà lui appartiennent et qu'il veut, elles aussi, conduire à la vie.

Impossible, par conséquent, de réserver l'amour du pasteur aux seules brebis de l'enclos. On n'est digne de lui que si avec lui on regarde au loin, que si l'on fait place, en route et dans l'enclos, aux brebis inconnues dont il a dit le nom et qui sont accourues en écoutant sa voix.

Si l'on suit ce berger, il faut sans cesse accueillir, sans cesse apprendre d'autres noms, chemin faisant.

Si l'on aime ce berger, il faut le rejoindre dans le don de lui-même. Alors, dans les moments où l'on nous arrache notre liberté, notre honneur, notre temps, aux jours où il est dur d'aimer, de pardonner et de servir, le réflexe du Bon Berger nous rend la joie du premier jour :

« Ma vie, personne ne me la prend : c'est moi qui la donne ».

Jésus lave les pieds des disciples
Jésus sur la croix regarde enfant et dit I love you
Père Fils et Saint Esprit aiment

« Il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1-15)

 

« Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. » Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » 

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Pierre a failli passer à côté d'une grande grâce. En voyant Jésus s'avancer avec son linge et son bassin, il a voulu le stopper dans son initiative : "Toi, Seigneur, me laver les pieds ? Jamais !"

C'était bien dans le tempérament de l'Apôtre. Déjà il ne supportait pas que Jésus prédise sa passion et sa mort ; à plus forte raison s'est-il cru le devoir de réagir quand il a vu Jésus à ses pieds, en position de serviteur.

Pierre avait son idée sur le rôle de Jésus. Il croyait savoir, et c'est sur ce point d'abord que Jésus va le détromper : "Ce que je fais, Pierre, tu ne peux le savoir à présent ; mais par la suite, tu comprendras". Par la suite, l'Esprit Paraclet te le fera comprendre ...peu à peu!

Au fond, Pierre se laisse paralyser par la disproportion qu'il ressent entre la majesté de Jésus et sa propre indignité. Mais là encore Jésus met les choses au point : l'humilité de Pierre est bonne en soi, mais si elle le crispe devant Jésus, c'est que déjà l'orgueil a repris ses droits et que le dépit [exaspéré d'être indigne et pécheur] fausse la conversion.

C'est bien le même réflexe qui explique certains de nos échecs spirituels : nous acceptons mal de nous retrouver toujours pécheurs devant Jésus, toujours rétifs, toujours inconstants, toujours en dette d'amour ; et notre indignité nous fascine parfois plus que la miséricorde du Christ.

Or l'enjeu est important, et c'est la qualité même de notre amitié avec Jésus : "Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi". Ou bien nous laissons au Maître l'initiative, et alors tout ce qui est à lui est à nous ; ou bien nous lui ôtons le bassin des mains, et nous ne connaîtrons pas la joie d'être lavés par Jésus.

"Alors, Seigneur, non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête !" ... Le brave Pierre ! le cœur y est, cette fois encore ; mais il n'a pas compris que Jésus, à partir du moment où nous le laissons faire, n'a besoin ni de temps, ni d'espace, ni de surface, et que son amour est là, offert tout entier dans l'instant, tout entier serviteur, tout entier sauveur.

Mais pour entrer à fond dans la pensée de Jésus au soir de ce Jeudi Saint, le plus sûr est encore de l'écou­ter commenter son geste : "Comprenez-vous ce que j'ai fait pour vous ? Vous m'appelez le Maître et le Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres".

Le lavement des pieds est pour Jésus à la fois et indissolublement un geste d'humilité et un geste d'amour, et l'Évangile de Jean décrit cet ultime service et cet abaissement de Jésus comme un premier pas dans l'extrême de l'amour : "Il les aima jusqu'au bout".

La force pour construire la paix là où nous sommes, pour repartir à neuf avec nos compagnons ou nos compagnes de route, ne la cherchons pas en nous-mêmes ; recevons-la en même temps que le corps du Christ, en même temps que le pardon de Jésus. Ici et maintenant, regardez, il s'approche de chacun/e de nous avec son linge et son bassin, et il redit à chacun/e : "Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi ... laisse-moi faire ; laisse-toi faire, puisque c'est ton tour".

« Le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur : tu l’aimeras » (Mc 12, 28b- 34)

 

« En ce temps-là, un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger. »

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Selon la tradition des rabbins, la Loi de Moïse comprenait 613 commandements, dont 365 étaient des interdictions, et 213 des préceptes positifs. L'une des règles d'interprétation avait tendance à situer tous les commandements sur le même plan : "Que le commandement léger te soit aussi cher que le commandement grave !" Cela pouvait partir d'une bonne intention, et exprimer un amour de Dieu très attentif ; mais cela pouvait tout aussi bien virer au légalisme pointilleux, et parfois aboutir à une déformation des consciences.

Ainsi certains rabbins mettaient-ils sur une même ligne la défense de dénicher des oiseaux et le précepte d'honorer son père et sa mère.

Au temps de Jésus quelques hommes clairvoyants dans leur foi essayaient d'établir une hiérarchie parmi ces multiples obligations de la Loi ; d'où la question de ce spécialiste à Jésus : "Quel commandement est le premier de tous ?"

Jésus répond d'abord en citant Dt 6,5, un beau texte que tous avaient en mémoire, puisque, déjà au temps de Jésus, tous les hommes juifs devaient le réciter au moins deux fois par jour. C'est le texte même de notre première lecture d'aujourd'hui :

"Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est le seul. Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ton énergie".

Il ne faudrait pas ici forcer la distinction entre cœur, âme, et pensée. Pour nous, occidentaux modernes, le cœur sert surtout à aimer ; pour un hébreu, le cœur a sa part aussi dans l'activité intellectuelle : Dieu donne un cœur pour comprendre (Dt 29,3). Pour les juifs du temps de Jésus, le cœur est à la fois conscience et mémoire, intuition et force morale. Dans le cœur résonnent toutes les affections ; mais c'est aussi dans le cœur que les impressions et les idées se changent en décisions et en projets. Et surtout c'est dans le cœur que s'enracinent l'attitude croyante et la fidélité à Dieu. Le cœur, au sens biblique, c'est donc le tout de l'homme intérieur, et le lieu privilégié du risque de la foi.

Ainsi : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur" signifie : "Toute ta personne sera mobilisée pour l'amour de ton Dieu ; tu dois tendre vers Dieu avec le meilleur de toi-même".

Mais Jésus ajoute aussitôt, en citant cette fois le Lévitique (19,18) : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". C'est le second commandement, toujours inséparable du premier et pourtant toujours distinct. Car l'amour pour autrui ne peut pas remplacer l'amour pour Dieu, pas plus que le prochain ne peut remplacer Dieu.

Mais les deux commandements sont semblables, parce que l'amour du prochain, comme l'amour pour Dieu, doit mobiliser toute la personne et toutes ses forces. On ne peut vraiment s'approcher de Dieu, sans commencer à aimer tout ce que Dieu aime ; et plus on est près de Dieu, plus on se rend proche des autres fils de Dieu. "La charité, c'est tout sur la terre, disait Thérèse de Lisieux, et l'on est sainte dans la mesure où on la pratique".

"Maître, répond le scribe à Jésus, tu as parfaitement dit que Dieu est l'Unique, et qu'il n'y en a pas d'autre que lui ; l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force, et aimer le prochain comme soi-même, vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices (d'animaux)". Et Jésus, voyant qu'il avait répondu avec sagacité, lui dit : "Tu n'es pas loin du Règne de Dieu".

"Tu n'es pas loin : c'est à la fois encourageant et décevant. Cela veut dire : "Tu y viens ; mais tu n'y es pas encore". "Tu n'es pas loin" : c'est à chacun de nous que Jésus s'adresse, puisque nous sommes réunis pour entendre sa parole".

Tu n'es pas loin, puisque tu cherches la vérité, puisque tu veux la trouver auprès de moi.

Tu n'es pas loin, puisque tu veux donner un sens à ta vie, à ton travail, à tes souffrances, à ton dévouement ; puisque tu veux prendre du recul par rapport au tourbillon de ta vie ; puisque tu veux échapper à l'engrenage de la routine, au mensonge des relations superficielles, à tout ce qui rapetisse ta vie, comme les 613 commandements de la loi que tu t'es faite.

Tu n'es pas loin, si tu as entrevu l'importance de la charité, si tu as compris qu'il faut vouloir concrètement pour ton frère ce que tu veux pour toi : une vie joyeuse, donnée, efficace, la reconnaissance par les autres, et l'amitié de Dieu.

Alors, Seigneur, si je ne suis pas loin, dis-moi, aujourd'hui, ce qui me manque encore pour être tout près de toi.

« Le Père lui-même vous aime » (Jn 16, 23b-28)

 

« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Amen, amen, je vous le dis : ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom ; demandez, et vous recevrez : ainsi votre joie sera parfaite. En disant cela, je vous ai parlé en images. L’heure vient où je vous parlerai sans images, et vous annoncerai ouvertement ce qui concerne le Père. Ce jour-là, vous demanderez en mon nom ; or, je ne vous dis pas que moi, je prierai le Père pour vous, car le Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé et vous avez cru que c’est de Dieu que je suis sorti. Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; maintenant, je quitte le monde, et je pars vers le Père. » 

 

À partir du moment où Jésus, victorieux de la mort, reviendra vers ses disciples, ils jouiront de deux privilèges :

- d'une part ils seront si intimes avec Dieu que leurs demandes seront exaucées ; 

- d'autre part ils comprendront que Jésus est la révélation définitive du Père.

Le privilège d'être exaucé découle directement de la présence du Paraclet.

Parce que les disciples seront habités par le Paraclet, ils resteront unis à Jésus ; or Jésus a promis : "Si vous demeurez en moi, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous arrivera" (Jn 15,7). En effet, unis à Jésus, les disciples seront tout proches du Père qui est un avec Jésus. D'où l'insistance du Maître : non seulement les choses doivent être demandées au nom de Jésus, mais elles seront données au nom de Jésus.

Jusqu'à l'Heure de Jésus, c'est-à-dire jusqu'à son passage de ce monde au Père, les disciples n'ont rien demandé "au nom de Jésus", c'est-à-dire en union vitale avec lui, et en s'appuyant à la fois sur ce qu'il est et sur ce qu'il fait pour le salut des hommes. Mais quand l'Heure sera accomplie, cette Heure qui englobe à la fois la Passion, la Résurrection et le don du Paraclet, les disciples auront tous accès au Père, par un seul Esprit (E 2,18). Comment dès lors ne seraient-ils pas exaucés ?

"Demandez et vous recevrez", ajoute Jésus. Et dans ce contexte du discours après la Cène, les demandes des chrétiens ne concernent pas les besoins ordinaires de la vie. Il s'agit de choses qui, si elles sont accordées, "glori­fieront le Père dans le Fils" (14,13s), de choses qui regardent la vie chrétienne et la continuation de l'œuvre de Jésus, cette œuvre par laquelle Jésus glorifiait le Père durant son ministère (17,4); il s'agit de choses qui rendront fructueux le travail du Paraclet (14,15-17). Et c'est pourquoi, lorsque les disciples seront exaucés, leur joie sera parfaite, car cette réponse de la bonté de Dieu leur apportera la certitude qu'ils sont aimés de lui ; elle sera le signe de sa présence fidèle et le sceau de son amitié apposé sur la vie des croyants.

Puis Jésus reprend et développe ce thème de l'intimité avec le Père :

"Ce jour-là vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous, car le Père lui-même vous aime".

Jésus ne veut pas dire qu'il cessera d'intercéder, mais que son intercession n'aura pas d'épaisseur, tellement le Père sera proche de ses enfants. Plus que jamais la médiation de Jésus sera nécessaire pour donner les hommes au Père et le Père aux hommes ; mais cette médiation établira entre le Père et les disciples une relation d'amour si intime, en Jésus et par Jésus, qu'ils auront tous accès au cœur de Dieu, comme autant de fils et de filles.

Le Père nous entourera du même amour dont il a aimé Jésus (17,25s), et le Père, Jésus et les disciples seront un (17,21-23). Jésus n'aura pas à prier le Père en faveur des chrétiens, car la prière des chrétiens sera la prière de Jésus. En quelque sorte, dans sa gloire le Christ ne priera pas seulement pour les siens : il priera avec eux dans son Église, au moment où eux-mêmes prieront par lui, avec lui et en lui.

La seule condition, pour être aimé à ce point par Dieu le Père, c'est d'aimer le Christ comme celui qui est sorti de Dieu, et d'accueillir le Christ comme celui qui est la révélation du Père.

Et Jésus embrasse encore une fois du regard toute son œuvre de rédemption : venu dans le monde pour s'unir tous les hommes, il quitte le monde pour que la plénitude de son union au Père rejaillisse en gloire jusque dans son humanité sainte.

Alors viendra l'Esprit, qui poursuivra son œuvre, et qui murmurera en son nom jusqu'à la fin des temps dans chaque cœur de baptisé : "Viens vers le Père !"

C'est là l'esquisse de la vie éternelle, que Dieu nous donne de vivre sur cette terre.

Plus profonde que les remous de notre cœur, plus réelle que nos lassitudes et tous nos désarrois, l'amitié de Dieu est là, déjà là, don totalement gratuit, offre permanente d'un dialogue de joie.

À une seule condition, qui est elle-même un signe de sa grâce : il faut laisser Dieu nous aimer "comme il a résolu dans son cœur".

Moi aussi je vous ai aimés
Le retour du fils prodigue
Cœur formé de paquettes sur billot bois

« C’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 9-17)

 

« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. » 

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Premier commentaire

Qu’est-ce qui fait agir l’homme ? Qu’est-ce qui le pousse à travailler, à se fatiguer, à chercher, à prévoir ? Quelle force le meut de jour en jour, d’année en année, tout au long d’une vie qui passe si vite ?

Balzac disait : c’est l’intérêt. Les affiches crient : c’est le plaisir ; et les journaux répètent : c’est la soif du pouvoir. Jésus, lui, parlait au futur, et il disait : ce sera l’amour. Et c’est d’amour qu’il a parlé à ses disciples, longuement, dans son discours d’adieux, lors de son dernier repas, alors que s’agitaient contre lui, dans Jérusalem nocturne, Judas et ceux qui le payaient, justement : les forces de l’intérêt et du pouvoir. Et dans la bouche de Jésus, le verbe aimer, ce mot usé, faussé, sali, redevient grand, et porteur d’espérance.

"Demeurez dans mon amour", dit Jésus aux disciples. Entendons ; demeurez dans l’amour que j’ai pour vous. Et effectivement, pour cette poignée d’hommes qui ont tout quitté et qui l’ont suivi, c’est la seule chose qui puisse donner sens à leur vie : demeurer dans l’amitié de Jésus de Nazareth, le seul qui ait les paroles et les réalités de la vie éternelle.

Et ils savent ce que cela veut dire, comme nous le savons nous-mêmes : l’amour que Jésus a pour nous est toujours à la fois une initiative et un appel. Une initiative, car Jésus n’attend pas, pour nous aimer, que nous puissions être fiers de nous ; un appel, puisque son amour prend tout l’homme et tout dans l’homme : l’intelligence, l’affectivité, le goût d’agir et la soif de beauté. Tout cela, l’amour de Jésus veut le mettre à son service. C’est pourquoi Jésus ajoute : "Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour".

C’est dire que cette amitié entre Jésus, Fils de Dieu, et nous, fils et filles de Dieu, ne se mesure pas au baromètre du sentiment, mais à celui de la fidélité. Rien de plus ordinaire, en un sens, que l’amour de Jésus et notre réponse à cet amour, car ils se vivent dans le quotidien et en habits de tous les jours. Jésus lui-même n’a pas vécu autrement l’amour inouï qui le liait à son Père : "Moi de même j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour".

Mais quelles sont les consignes de Jésus, qui doivent dessiner ainsi l’horizon de notre liberté et nous permettre de demeurer dans son amour ?

Jésus n’en a laissé qu’une : "Aimez-vous". Et de fait, tout est là, car aimer, c’est faire vivre. Aimer, c’est vivre pour que l’autre vive, pour qu’il puisse se chercher, se trouver, se dire ; pour qu’il se sente le droit d’exister et le devoir de s’épanouir. Aimer, c’est faire exister l’autre, les autres, à perte de vue, à perte de vie, malgré nos limites et les handicaps de l’autre, malgré les frontières sociales et culturelles, malgré tous les tassements de l’existence, malgré les ombres de l’égoïsme ou de l’agressivité qui passent jusque dans les foyers les plus unis et les communautés les plus fraternelles. Aimer, c’est repartir sans cesse, à deux, à dix, en communauté, en Église, parce que l’amour du Christ ne nous laisse pas en repos, et parce que, après tout, d’après Jésus lui-même, il n’y a pas de plus grand amour, il n’y a pas d’autre limite à l’amour que de donner sa vie, en une fois ou à la journée.

Et nous voilà perplexes et démunis devant un pareil renversement des valeurs. Nous sentons bien, pourtant, et nous savons d’expérience, que par-là, sur ce "chemin de la charité", comme disait saint Paul, notre vie retrouve toujours un peu de sa légèreté, et notre cœur un peu de son espace. C’est bien ce que Jésus ajoute, sur le ton de la confidence : "Je vous ai dit cela afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite".

Quand cette joie du Christ trouve un écho en nous, notre vie, comblée ou douloureuse, commence à laisser un sillage. Parfois, il est vrai, la route de l’abnégation paraît longue et nos efforts bien mal payés, par nos frères ou nos sœurs, par les enfants, ou par Dieu. Il est bon, à ces heures-là, d’écouter le Christ nous redire, comme aujourd’hui, pour remettre les choses au point et notre vie dans sa lumière : "Ce n’est pas toi qui m’as choisi, (ce n’est pas toi qui m’as fait un cadeau en acceptant la foi et mon appel), c’est moi qui t’ai choisi; et je t’ai placé/e, là où tu es, là où tu sers, là où tu souffres et là où tu espères, pour que tu ailles de l’avant, que tu portes du fruit, et que ton fruit demeure.

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Deuxième commentaire

Comment rester unis à la vigne ? Comment porter du fruit, et ainsi glorifier le Père ? Jésus nous l’indique en une seule phrase : "Demeurez dans mon amour", dans l’amour que j’ai pour vous et que je vous ai prouvé en acceptant la croix.

Et Jésus de préciser ce qu’il entend par "demeurer dans son amour".

Il ne s’agit pas simplement ni avant tout de se sentir à l’aise avec lui, de s’installer dans le sentiment d’être aimé de lui, mais, très concrètement, d’entrer chaque jour dans son projet, d’adopter son style et ses choix, de réagir en tout selon les réflexes qu’il nous a inculqués, bref : de garder ses commandements, qui se résument en un précepte central : "Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés".

Ainsi - et c’est un nouveau paradoxe de notre foi - pour demeurer dans l’amour de Jésus, l’essentiel n’est pas de le retenir, mais de l’imiter ; le plus urgent n’est pas de le goûter, mais de s’inscrire dans son mouvement.

Certes, l’amour de Jésus rédempteur est bien destiné à combler notre intelligence et notre cœur ; mais nous n’avons pas prise à volonté sur notre senti spirituel, et ce serait un leurre que de vouloir mesurer l’amour de Jésus pour nous ou jauger l’amour que nous avons pour lui. Personne d’entre nous ne sait s’il aime le Christ plus ou moins que d’autres, plus ou moins qu’aux heures bénies où le Christ laisse dans le cœur comme le parfum de son passage. "Seigneur, tu sais tout ; tu sais bien que je t’aime" ; Pierre avait raison : le Christ est seul à savoir.

Mais nous ne sommes pas laissés sans aucun repère, sans aucun critère, sans aucune certitude. Nous ne savons pas combien nous aimons, mais nous sommes sûrs de demeurer dans le projet du Dieu d’amour si nous voulons aimer comme Jésus nous a aimés, si nous savons aimer là où il nous a placés afin que nous allions, jour après jour, et que nous portions du fruit pour la vie éternelle.

La joie chrétienne est à ce prix ; mais si nous y mettons ce prix, elle ne nous manquera jamais. Jésus lui-même l’a promise à ceux qui demeureraient unis à la vigne : "Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite".

Cette joie parfaite, totale, celle qui prend tout l’homme et que personne ne pourra nous reprendre, c’est la joie pascale, pascale pour toujours, celle qui accompagne la présence constante du Ressuscité. Elle peut nous habiter même aux heures de souffrance, de désarroi, de solitude ; car ce n’est pas une joie que nous nous donnons à nous-mêmes, ce n’est pas une conquête ni un défi : c’est le don quotidien de Celui qui nous aime :

"Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous".

« Ton frère est revenu à la vie » (Lc 15, 1-3.11-32)

 

« En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite- moi comme l’un de tes ouvriers.” Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer. Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.” Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !” Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” » 

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Parlant de ce passage de l'Évangile, on dit souvent : "C'est la parabole de l'enfant prodigue". Mieux vaudrait dire : la parabole du père qui avait deux fils, car c'est l'attitude du père que Jésus a voulu mettre en relief.

Tout commence par une histoire lamentable : la déchéance d'un jeune.

Le fils cadet revendique des droits, d'une manière qui a dû sembler odieuse à son père, puisqu'il lui déclare en quelque sorte : "Tu m'as mis au monde, et maintenant, paye-moi !" Pris entre la fidélité à son père et la pression de la bande des copains, il choisit la bande, et fait la fête.

Très vite la vie se charge de le dégriser, et en expérimentant la misère des pauvres et des exclus, il commence à mesurer la chance qu'il avait et le gâchis qu'il en a fait. Confronté au réel avec ses seules forces, il lâche toute arrogance et décide de reprendre la route de la maison.

Son histoire est celle de tous les naufrages spirituels : on commence par gaspiller l'héritage du Père ; puis on a faim ; alors on devient esclave. Mais ce destin du prodigue est surtout un magnifique exemple de ce que doit être le retour vers Dieu. Quand vient le moment de vérité, du fond de la misère on se tourne vers Dieu, et l'on revient au Père, source de l'amour et de la paix.

Et c'est là toute la différence entre le dépit et la contrition. Tant que le croyant, aux prises avec son péché, en reste au stade du dépit, il demeure courbé sur lui-même, et il stagne sur place, prostré dans son impuissance, désespéré d'avoir gâché l'image qu'il se faisait de lui-même. Quand vient au contraire la vraie contrition, non seulement on rentre en soi-même, mais on se lève, on se met en marche vers le Père, sûr d'avance qu'on sera écouté, compris, pardonné, parce qu'on est certain d'être aimé. On ne se désole plus tellement d'avoir écorné l'image de soi-même que d'avoir terni en soi l'image de Dieu et d'avoir blessé l'amour d'un Père qui nous a voulus libres. Et c'est cela qui bouleverse le cœur de Dieu : de voir ses enfants malheureux croire plus à son amour qu'à leur propre misère.

Mais le fils aîné, le sage, est-il moins aimé parce qu'il est moins misérable ?

On l'imagine parfois, mais c'est mal comprendre les paroles du père. Certes l'aîné a un grand tort, malgré sa fidélité : c'est de n'avoir pas compris comment réagit le cœur d'un père, et d'être resté bloqué sur les fautes de son frère alors que le père, depuis longtemps, avait ouvert les bras. Mais le père, à lui non plus, ne fait aucun reproche, car en un sens il a raison. Au plan où il situe, celui de la justice stricte, l'aîné raisonne juste, et son réflexe est compréhensible. Il parle de droit, de faiblesse paternelle, de manque d'autorité. Le père, lui, ne répond pas à ce niveau, qui ne débouche pas sur la vie. Il reprend, paisiblement, les mots tout simples et sublimes de l'amour et de la réciprocité : "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ! Tu as mon amour, tu as tout ! Tu es dans mon amour : tu as plus que toutes les fortunes, toutes les fêtes et toutes les aventures ! Je suis là avec toi, que chercherais-tu ailleurs ?"

Le tort du fils aîné, c'est de se sentir frustré parce que son père fait miséricorde, de mésestimer le prix de son intimité et de sa confiance, et de brouiller par sa jalousie l'œuvre du père, qui n'est que générosité et pardon.

Dans la pensée de Jésus, c'est bien le père qui est au centre de la parabole.

Il laisse faire le plus jeune et fait droit à ses revendications, sans savoir jusqu'où il ira dans sa soif de plaisir. Le cadet est poussé par un besoin d'autonomie, et son père lui en laisse le risque : il ne veut pas être libre à la place de son fils. Mais il ne cesse pas d'attendre, parce qu'il ne cesse pas d'aimer. Ne plus l'avoir près de lui, c'est comme s'il était mort.

Quand son fils, revenu, lui saute au cou, le père ne veut même pas écouter toute sa confession : l'attitude de son enfant lui parle plus que des paroles. Et le père organise une fête, disproportionnée selon nos vues égalitaires, mais tout à fait proportionnée à son amour de père, qui n'est mesuré par rien : "Il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé !"

Pourquoi le pardon serait-il moins puissant dans le cœur d'un frère que dans celui d'un père ?

Pourquoi parlerions-nous obstinément de justice et de sévérité, quand Dieu veut nous inculquer son parti pris de miséricorde ?

Pourquoi fermerions-nous notre cœur au frère qui revient, alors que son retour fait toute la joie de Dieu ?

Entrons sans plus calculer dans l'amour paradoxal du Père : tant de fois déjà c'est nous qu'il a embrassés !

« Venez, les bénis de mon Père » (Mt 25, 31-46)

 

« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’ Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu...? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’ Et le Roi leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’ Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’ Alors ils répondront, eux aussi : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’ Il leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’ Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

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Le mystère de la royauté du Christ, c'est le mystère de son pouvoir universel, de son emprise totale et définitive sur les hommes, sur le destin des hommes et le monde où ils vivent.

Et ce mystère de la royauté de l'Homme-Dieu ressuscité échappe à tel point à nos analyses, et fait à tel point craquer les limites de notre vision de l'histoire, que nous sommes contraints de le cerner par approches successives.

La liturgie d'aujourd'hui nous propose trois flashes sur le mystère du Christ Roi.

Le premier fixe le Christ dans son rôle de juge à fin des temps : "Et toi, mon troupeau, disait Yahweh par la voix d'Ézéchiel, apprends que je vais juger entre brebis et brebis". Et Jésus reprend à son compte cette image, du tri, du discernement définitif : "Quand le Fils de l'Homme viendra dans sa gloire… toutes les nations seront rassemblés devant lui... Il séparera les hommes les uns des autres..."

Étrange besogne pour celui qui est venu rassembler les hommes et les appeler à l'unité de son Corps. Et pourtant le message est clair, et ineffaçable : Jésus jugera ; il aura le dernier mot, il dira pour chacun le dernier mot. Et le critère du discernement, face au définitif, face à l'éternité, ce sera l'amour fraternel, l'amour terrestre vécu au nom du Christ. Il s'agira de faim, de soif, de chaussures et de paletots, d'hôpitaux et de prison. Il s'agira des besoins de nos frères et sœurs, du bien-être de nos frères et sœurs, de la solitude de nos frères et sœurs. Et pour chacune de nos initiatives d'amour, pour chacune aussi des occasions négligées, Jésus dira : "J'ai pris cela pour moi".

Le deuxième flash est signé Paul. Quel photographe ! Quel coup d'œil ! Il a saisi en un seul cliché le premier Adam et le Christ, Homme Nouveau, le peuple de ceux qui meurent et le peuple de ceux qui seront vivifiés ; il a fixé en une seule image les deux temps du scénario de la résurrection : d'abord le Christ, "prémices de tous ceux qui se sont endormis", puis "ceux du Christ" lors de sa Parousie.

Ce qui fascine Paul, c'est le Christ glorieux et le mystère de pouvoir et de soumission qui se joue et se jouera dans le ciel entre le Fils et le Père.

Le Christ ressuscité étend son pouvoir sur toutes les forces du mal, sur la mort elle-même, et toutes ces conquêtes du Fils sont autant de cadeaux du Père, car c'est le Père qui lui soumet tout, qui met toutes choses à ses pieds. Viendra le jour où le Christ dira au Père : "Tout est achevé ; tout est soumis".

Alors le Fils fera du sommet de son pouvoir le sommet de sa soumission, il remettra la royauté à Dieu le Père, il remettra au Père la royauté qu'il tient de lui ; à travers sa propre royauté, l'univers entier fera retour au Père. Alors le monde sera ordonné selon Dieu, selon la hiérarchie définitive des valeurs, celle-là même que Paul inculquait aux chrétiens : "Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu !" Dieu sera tout en tous, parce que tout et tous seront passés par le pouvoir et la soumission du Fils, le Christ roi.

La troisième image nous ramène à l'aujourd'hui du peuple de Dieu. C'est une image en mouvement, qui nous décrit une royauté de tendresse, la royauté du Pasteur. Tout commence un jour de brouillard et d'obscurité, un brouillard si épais que les brebis, tout en broutant droit devant elles, ont perdu de vue leurs sœurs.

Dispersion, solitude, brouillard, isolement, blessures. Rien ne manque au tableau de la détresse. "J'irai moi-même, dit Dieu, à la recherche de mes brebis. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis. C'est moi qui ferai paître mon troupeau, et c'est moi qui le ferai reposer". 

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Second commentaire

"Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait".

 

Je suis tombé hier dans un parloir sur une brochure qui présente l'œuvre et les fondations de Mère Teresa de Calcutta, plus précisément sur une citation de Mère Teresa : "Pensez à l'enfance abandonnée. Un jour j'ai vu un petit enfant qui ne mangeait pas ; sa mère était morte. Alors j'ai trouvé une sœur qui ressemblait à sa mère et je lui dis de ne rien faire d'autre que de jouer avec l'enfant. L'appétit est revenu…".  Et cette phrase de Mère Teresa m'a rappelé cette sœur indienne d'une de ses communautés, que j'ai rencontrée dans son bidonville de Port au Prince, en Haïti. Seule ce jour-là au milieu d'une cinquantaine de malades condamnés. Seule, mais souriante, avec son point bleu sur le front.

 

"C'est à moi que vous l'avez fait..."

 

Instinctivement, pour illustrer cette parole de Jésus, nous évoquons ces vies toutes livrées au service des pauvres et des malades, ces femmes qui vont les mains vides à la rencontre de la souffrance et de la mort, ces consacrées totalement libérées par leur pauvreté, reflet direct de la miséricorde de Dieu pour toute détresse.

 

Et nous nous disons : "Quelle place ont dans ma vie les pauvres de Dieu ? De fait, quand nous sommes rassemblés durant des heures pour l'oraison silencieuse, quand nous sommes occupés par notre métier, accaparés par nos responsabilités et nos soucis immédiats, nous ne sommes pas en train de jouer avec un enfant qui ne mange plus. Sommes-nous pour autant des minus de la charité ? sommes-nous exclus du groupe des porteurs de vie ? l'appel de Jésus nous a-t-il disqualifiés pour le service des pauvres ? Non, bien sûr, mais nous avons besoin de réveiller notre foi pour nous situer à notre place dans la charité. En fait, tout autant que la sœur du bidonville nous pouvons entrer dans l'amour des pauvres comme Jésus aujourd'hui nous y appelle, mais c'est au prix d'un triple effort d'authenticité :

 

1°) Authenticité de notre vie d'oraison, qui nous fait rejoindre tous les pauvres du monde directement dans le cœur de Dieu qui les aime : pauvres de biens matériels, pauvres de ressources affectives, pauvres d'amis, pauvres dans l'estime des autres.

 

2°) Authenticité de notre regard sur l'argent et le pouvoir qu'il donne, dans la fidélité à la pauvreté que nous avons vouée personnellement au Seigneur.

 

3°) Authenticité de notre vie fraternelle, attention aux réalités quotidiennes, qui nous permettent de reconnaître dans la sœur toute proche, quotidienne et trop connue, cette affamée, celle assoiffée, cette étrangère, cette grelottante, cette malade et cette prisonnière, qui a besoin de nous, de notre patience, de notre sourire, et que Jésus nous donne à aimer.

 

Aujourd'hui, ce que je ferai pour elle, Jésus le prendra pour lui.

Jésus pleurant sur Jérusalem

« Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu  en ce jour ce qui donne la paix ! »

(Lc 19, 41-44)

« En ce temps-là, lorsque Jésus fut près de Jérusalem, voyant la ville, il pleura sur elle, en disant : « Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! Mais maintenant cela est resté caché à tes yeux. Oui, viendront pour toi des jours où tes ennemis construiront des ouvrages de siège contre toi, t’encercleront et te presseront de tous côtés ; ils t’anéantiront, toi et tes enfants qui sont chez toi, et ils ne laisseront pas chez toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait. » 

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Il est rare de voir un homme pleurer, surtout en public. Il faut vraiment, pour cela, qu'il soit sous le coup d'un chagrin ou d'une joie immense. Or les deux à la fois submergent Jésus à cet instant précis : Il perçoit, intensément, l'enthousiasme des disciples qui l'acclament dans la descente du Mont des Oliviers : "Béni soit celui qui vient !"…et en même temps il voit devant lui Jérusalem, splendide, puissante, mais raidie dans ses remparts et dans son refus, Jérusalem qui ne reconnaît pas l'Envoyé de Dieu.

Et Jésus pleure sur sa ville. Mais il n'y a aucune sensiblerie dans ces pleurs de Jésus. Certes il est fier de sa ville et de tout ce qu'elle symbolise pour l'espérance d'Israël ; mais ce qui lui arrache des larmes, c'est le contraste trop violent entre l'offre de Dieu et la réponse de Jérusalem.

Peu de temps avant la première ruine de Jérusalem et le premier exil, Jérémie, lui aussi rejeté par les siens, a pleuré sur leur aveuglement : "Si vous n'écoutez pas, en secret va pleurer mon âme, à cause de votre orgueil. Pleurant, pleurant, mon œil laissera couler des pleurs, car le troupeau du Seigneur part en captivité" (Jr 13,17).

Ces larmes, tout en exprimant le chagrin personnel de Jérémie, voulaient provoquer, comme par mimétisme, la contrition du peuple, un peu à la manière des pleurs rituels dans les liturgies pénitentielles. Jérémie pleurait pour que son peuple apprît à pleurer.

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Les larmes de Jésus, elles aussi, prennent leur sens à la fois comme une prière personnelle et comme une prédication prophétique. Jésus pleure ce que Jérusalem devait pleurer : l'occasion perdue de rencontrer son Dieu : "Si toi aussi tu avais compris, en ce jour, ce qui mène à la paix !"

Or la paix biblique n'est pas seulement la concorde, la sécurité matérielle ou l'absence d'ennuis ; elle englobe toujours un achèvement et une plénitude qui ne peuvent être reçus que dans l'harmonie avec Dieu. C'est pourquoi les prophètes la présentaient comme l'un des biens liés aux jours du Messie.

Jésus Messie est venu avec son message de paix, avec ses mains tendues pour la guérison, et sa propre ville n'a pas reconnu en lui la paix de Dieu offerte en visage d'homme. Cela a été "caché à ses yeux", parce qu'elle a détourné son regard de ce que Dieu lui donnait à voir ; et elle a manqué le moment favorable qu'elle espérait depuis des siècles : "Tu n'as pas reconnu le moment où tu as été visitée".

C'est le drame que vivent parfois, à leur niveau, nos communautés de consacrés, et qui alimente secrètement tant de rancœurs, tant de détresses, tant de sentiments d'échec collectif ; mais chacun de nous, à certaines heures, peut être envahi par la même perception douloureuse des occasions perdues et du gâchis installé.

À ces moments d'incertitude et d'interrogations, les images employées par Jésus pour décrire la détresse de sa ville trouvent une étrange résonance dans notre paysage intérieur : encerclement, paralysie, écrasement, démolition, dispersion. À la limite, il ne resterait pas pierre sur pierre de ce que nous avions voulu bâtir à la louange du Seigneur.

C'est le moment alors de nous souvenir que pour Jésus comme pour les prophètes les paroles de jugement ne sont que l'envers d'une promesse. Tout peut servir, "tout doit servir au bien de ceux que Dieu aime" (Rm 8,28), et la déconstruction dont nous faisons l'expérience en nous-mêmes et dans nos communautés peut être le point de départ d'une construction nouvelle.

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De nos ruines un temple nouveau peut surgir qui ne sera plus fait de mains d'hommes ou de mains de femmes, et qui ne sera plus l'appui de notre fierté ou de notre besoin de sécurité. Un temple fait de pierres enfin vivantes, un temple auquel l'Esprit Saint lui-même donnera élan et cohésion, un temple fraternel pour les visites du Seigneur.

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