BELLE POÉSIE CHRÉTIENNE
À la brise du soir
Le jardin d’Eden
A la brise du soir je descendais chez vous
Et je me promenais parmi l’ombre limpide
Qui se penche aux rochers de la source rapide
Et qui palpite au fond des sous-bois lents et doux.
Je guettais votre pas au galbe du chemin,
Vous veniez près de moi sans crainte, et ma tendresse
Vous habillait de ciel, de grâce et de noblesse,
Et nous étions ensemble au souffle du jardin.
La chute première
A la brise du soir je vous ai tant cherchés
Et j’ai tant parcouru la terre désolée
Que je vous ai trouvés, tremblants sous la ramée
Où, pressés par la peur, vous vous étiez cachés.
Alors je vous ai vus, affligés, seuls et nus,
Lassés de tout, déjà, des frondaisons tranquilles
Et des prairies parées de pétales fragiles,
Car au jardin blessé les arbres s’étaient tus.
Gethsemani
A la brise du soir les oliviers sont las,
Et le sol a trop bu ma sueur et mes larmes,
Quand s’approche, confus, le sombre éclat des armes
Et que je reconnais dans ce chaos ton pas.
Il suffit d’un baiser pour trahir un ami
Et de trente deniers pour sceller sur ta tête
Les ténèbres sans fin que nul remords n’arrête,
Toi qui m’avais suivi, toi que j’avais choisi.
Le chemin d’Emmaüs
A la brise du soir je me suis approché,
Tandis que vous alliez, pesants de lassitude,
Et que le jour baissait, déjà lourd d’hébétude.
Je vous ai écoutés, avec vous j’ai marché,
Et je vous ai ouvert le trésor d’un savoir
Qui vous a enflammés d’une joie éternelle
Et qui vous a poussés, porteurs de la Nouvelle …
- L’aurore était déjà dans la brise du soir !
Colette
Novembre 2016
Ainsi dans le silence …
Comme l'herbe mendie
L'averse que l'été
Semble avoir endormie
En son jardin fermé,
Ainsi dans le silence
Mon âme est un appel
Qui vibre et qui s'élance
Vers Toi, Dieu éternel.
Comme la feuille éclose
Sous l'aile du matin
S'envole et se repose
Au galbe du chemin,
Ainsi dans le silence,
Au pas de chaque jour,
Mon âme est une danse
Devant Toi, Dieu d'amour.
Comme la branche espère,
Quand l'ombre vient s'asseoir,
La brise plus légère
Que murmure le soir,
Ainsi dans le silence
Mon âme se fait chant,
Couleurs et transparence
Sous tes doigts, Dieu vivant.
Colette
Fin juin 2019
Au vent du désert
Au vent du désert
Où mon pas se perd,
Où tremble ma flamme,
Où brûle mon âme,
Les nuits et les jours
Sont un même cours
Qui monte du sable,
Cherchant l’Ineffable.
Celui dont la voix
Habite les bois
M’entraîne et me guide
Vers l’aube limpide
Qui dans le lointain
Frôle de sa main
Les brumes couchées
Au fond des vallées.
Au creux du rocher
Le ciel s’est caché,
Et la source pure
Devient ce murmure
Douloureux, brisé,
Cet amour moqué,
Cette heure accomplie
Bue jusqu’à la lie.
Voici qu’au jardin
L’ange du matin,
Vêtu de lumière,
A roulé la pierre …
Le vent du désert
Se fait calme et clair
Et passe, silence
Où l’infini danse …
Colette
Chabeuil – Maison Nazareth
1er – 2 avril 2019
Chant de la Sainte Russie
C'est du tréfonds de l'âme et des confins de l'être
Que monte l'onde vaste et grave de ce chant,
Tandis que sur la terre où l'aube va paraître
Se lèvent les lointains où l'infini descend.
Il faut marcher longtemps sous l'aile du silence
Et plonger au secret des steppes de la nuit
Avant que de franchir le porche d'où s'élance
Cette joie devant qui toute crainte s'enfuit.
Les cierges sont un chœur qui clame la victoire
De la vie sur la mort, de l'amour sur la peur,
La senteur de l'encens conserve la mémoire
De ceux qui ont foulé ce sol avec ferveur.
Les icônes posées parmi l'ombre sereine
Ouvrent d'un seul regard le ciel transfiguré,
Et les cloches lancées au galop de la plaine
Se répondent sans fin sous l'écho murmuré.
Colette
Ombrefeuille © - Noël 2020
Le dit de la Vierge du Pilier
de Notre-Dame de Paris
Pèlerins des lointains, gens d'ici,
Vous que la pénombre de la pierre
Déposait au creux de ma prière
Jusqu'à ce jour de terreur saisi,
Jusqu'à ce soir frappé de stupeur,
Jusqu'au seuil de cette nuit terrible
Où la cathédrale insubmersible
Devint la proie d'un feu ravageur,
Soyez consolés, ne pleurez plus :
Je demeure, au-delà de l'absence,
Et je veille, en mon profond silence,
Sur vous, familiers ou inconnus.
J'entendais s'enfler le long brasier
Animé d'une rage démente
Qui dévorait l'auguste charpente,
Je me tenais là, près du pilier
Où souvent s'arrêtèrent vos pas,
Quand la voûte presque millénaire,
Blessée, laissa tomber jusqu'à terre
A mes pieds de rougeoyants gravats.
Se peut-il que je doive au hasard
De m'avoir épargnée, préservée ?
N'est-ce pas là la marque avérée
D'un bras puissant, d'un divin regard* ?
Ô vous tous qui passiez en ces lieux**,
Ouvrez-moi la tente de votre âme***,
Accordez asile à Notre-Dame****,
Porte qui s'élève dans les cieux***** !
Lors, ne craignez point le désespoir
Et ne redoutez point les tempêtes
Qui se précipitent sur vos têtes,
Nées de l'abîme putride et noir
De l'enfer. Je veille, et j'ai vaincu,
Déjà, les assauts de l'incendie,
J'ai vaincu l'insulte et l'infamie,
Et celui qui se croit invaincu …
Colette
Ombrefeuille © - Février 2020
En quel jardin …
L’orant en extase
En quel jardin vient-il d’entrer,
Lui que le souffle du silence
Couvre de son immensité ?
A quelle source puise-t-il ?
En quelle bien-aimée présence
Se plonge son regard subtil ?
Rien ne s’est produit, pas de transe,
Pas un cri, pas même une voix,
Seulement un grand calme, intense.
Mais il a laissé se défaire
Au creux du vide, entre ses doigts,
Les nœuds du temps et de la terre.
Il a été comme ravi
A des hauteurs où, pure flamme,
Il converse avec l’infini.
Son corps paraît n’être plus là,
Et la joie transperce son âme
Où l’éternité point déjà.
A quelle lumière intangible,
A quelle source a-t-il puisé,
Pour demeurer ainsi, paisible ?
En quel palais, sous quelle tente,
En quel jardin est-il entré,
Pour se tenir dans cette attente ?...
Colette
9 – 11 septembre 2018
Esquisse d'une libellule
Elle a effleuré le matin
D'un trait de son vol cristallin,
Et lumière elle est devenue.
Elle a laissé sur le ruisseau
Perles de brise et perles d'eau
Dont elle s'était revêtue.
Les ailes tissées de silence
Et de subtile transparence,
Elle palpite au chemin creux.
Sur la rive du temps qui passe
Elle pose un reflet fugace
Où scintille un étang ombreux.
Sous une feuille au large pli
Elle se choisit un abri
Plein du froufrou des fleurs sauvages.
Voici que le ciel se fait lourd
Et qu'un vaste grondement court,
Venu du ventre des orages.
Puis à la colline se penche
Le parfum galbé de la branche
Que le soleil couchant étreint.
Lors, effleurant les pluies d'automne
D'un vol déjà plus monotone,
Libellule s'en va, s'éteint …
Colette
Août 2019
Harangue au "peuple"
(avec des guillemets à peuple)
Ô peuple, n'es-tu plus qu'une foule ameutée
Aux appels répétés d'artisans du chaos
Qui, trouvant leur plaisir en leurs propres échos,
Nous infligent par toi leur vaine logorrhée ?
N'as-tu donc pas mûri ? Caresses-tu encore
Le rêve de voler la gloire et le pouvoir
Sans en porter la croix ? Refuses-tu de voir
Que tu es devenu fossoyeur de l'aurore ?
Hélas ! Dans tes clameurs se lève une ère triste,
Pétrie de jalousie, de morgue, de rancœur …
Tu n'es donc plus de tête, et tu n'as plus de cœur,
Tu es coquille vide où le sable s'enkyste …
Colette
Ombrefeuille © - 6 juin 2020
Je cherche l’Unique
Je cherche l’Unique,
Le Dieu des hauteurs
Qui tissa la danse
Des astres porteurs
De sa transcendance.
Connais-tu l’Unique,
Le Fort, le Clément,
Le Grand, l’Immuable,
Lui, l’infiniment
Sublime, Ineffable ?
As-tu vu l’Unique,
Ô toi dont le pas,
Constante prière,
Chemine ici-bas,
Vêtu de lumière ?
Montre-moi l’Unique
Dont tu es l’ami,
La joie et le temple.
Lui qui t’a saisi,
Que je Le contemple !
J’ai trouvé l’Unique,
Le Doux, le Vivant,
Car Lui qu’on ne nomme
Qu’avec tremblement
A visage d’homme.
Colette
Chabeuil – Maison Nazareth
3 avril 2019 -
Poème inspiré par la présence d’une retraitante
née dans l’Islam et venue à la foi au Christ
Je vous écris des bords du Styx …
Je vous écris des bords du Styx,
Fleuve où sont enclos les enfers,
Rive où l'air est d'un noir d'onyx,
Où se pétrifient les hivers.
Il est trop tard, et s'est rompue
La brume heureuse de l'aurore.
Que ne l'ai-je, alors, entendue
Pleurer déjà, danser encore ?
Revenir, hélas, ne le puis,
Car s'est éteint sans un regard
Le flot de mes profondes nuits
Et de mes jours … Il est trop tard.
Adieu forêts, brise légère,
Il est trop tard, la feuille tombe.
Adieu baisers, ô doux mystère,
Il est trop tard … Scellez ma tombe.
Ici tremble l'éternité,
L'air n'est plus, il s'est fait onyx,
Rien ne s'émeut, tout est figé :
Je vous écris des bords du Styx …
Colette
Ombrefeuille © - Janvier 2020
Inspiré par la vision de la mort au fil de l'Antiquité
Liturgie
La cloche a traversé les écharpes de brume,
Saisi d’étonnement le matin endormi,
Tinté clair sur le roc où le givre a bondi,
Incliné au torrent son roulement d’écume.
Que se dresse l’écho de la montagne entière,
Que frémisse à nouveau le souffle des forêts,
Que se gonfle l’élan des longs sentiers secrets,
Que la vallée, enfin, enfante la lumière !
Quelques cierges sont là, parmi l’ombre qui danse,
Et l’attente esquissée au bord des lampes luit,
Sous les voûtes s’éteint le voile de la nuit,
Et palpite partout le vieil or du silence.
Que s’apaise le pas, que le geste s’élève,
Qu’aux fresques recueillies s’illumine le temps,
Qu’aux icônes résonnent les cieux triomphants,
Que jaillisse le chant, que toute peur s’achève !
Le flot grave du chœur, immuable, s’avance,
Monte comme l’encens, roule comme la mer,
Couvre de son manteau toute âme et toute chair,
Murmure sourdement puis, vaste et fort, s’élance.
Que la joie se répande, invaincue, partagée,
Que la coupole soit pour tous un abri sûr,
Qu’éclate en son sommet le jour plein, vif et pur,
Car la cloche, là-bas, éveille la vallée …
Colette
Saint-Laurent-en-Royans, Guilherand-Granges, 11 – 16 novembre 2013
L'oraison du silence
La nef est d'un silence
Où le jour s'est posé,
Intangible présence,
Voile à peine esquissé.
Sous la voûte tranquille
Où la pierre est clarté,
Le temps passe, immobile,
Tissé d'éternité.
Je cherche la fontaine
Et cette aube au jardin
Qui a saisi la plaine
En son élan soudain.
D'où vient-il que ma cruche
Ne soit que sable et vent
Et que mon pied trébuche
Aux dunes du couchant ?
Où es-Tu, Ineffable ?
Pourquoi te caches-Tu ?
Es-Tu inconnaissable ?
Où te retires-Tu ?
Mon âme court, s'agite,
Elle cueille au hasard
Une ombre qui palpite
Au détour du regard.
Combien fade, insipide,
Trompeur et décevant
Est cet ailleurs rapide,
Aussitôt déclinant !
Voici que tout s'efface
Et que tout se confond …
Au désert est ta Face,
Au désert est ton Nom.
…/…
En cette source vive,
Lors, qui ne plongerait ?
Aux flots de cette rive
Qui ne s'abreuverait ?
Est-ce toi dans l'orage
Qui frappe le ciel nu ?
Ou bien est-ce présage
Que ce souffle ténu ?
Tu te tiens à ma porte,
Et c'est toi sur mon seuil,
Mais je suis feuille morte,
Ecume sur l'écueil …
Ouvre-moi ton silence
Que j'ai goûté trop peu,
Ouvre-moi ta présence
Et l'arche de ton feu !
Colette
Juin 2019
Le pèlerin des longues étendues
Il porte en lui la steppe immense,
La longue marche des matins
Parmi la plaine où l’ombre danse,
La lumière des soirs lointains
Où s’endorment sous la nuée
Les pétales lourds de lenteur.
Il a goûté l’aube éveillée
Parmi les monts dont la lueur
Se déroule, encore assoupie.
Il a reçu chez lui le vent,
D’écho en heure recueillie,
Sous le flot pur du ciel puissant.
Il a guetté sur la colline
La mémoire du temps qui fuit,
Quand soudain la pensée s’incline
Vers l’arche proche de la nuit
Refermée sur toute chair nue ;
Car ainsi tout regard se tait,
Car ainsi toute voix s’est tue,
Et se taira ce qu’on aimait …
Dans la forêt, là-bas, prochaine,
Il a cherché l’appui rugueux
Et l’ample force enfin sereine
Des troncs loyaux, droits et noueux.
Il a franchi le seuil de pierre
Et le silence répandu
Depuis la coupole première.
A peine un souffle retenu,
A peine un pas, à peine un geste,
A peine un vaste calme au front,
Un rien a suffi pour que reste
Au plus secret, au plus profond
De lui cet élan immuable
De l’encens riche et transparent,
Du chœur limpide et formidable,
De l’éternel et bref instant …
Il a repris la longue route,
De colline en porche lointain ;
Dans le ciel profond il écoute
Le matin pur, le soir prochain,
L’instant qui meurt au lourd pétale,
La brume parmi la forêt,
Le vent qui se gonfle et s’étale
Parmi l’écho où tout se tait.
La cloche sonne, et tout commence
Là-bas, au tremblement du jour,
En elle dort la steppe immense
Où l’aube lentement accourt …
Colette
19 mars 2014
Prière nue d'une âme de peu
Mon Dieu, tant de martyrs ont supporté l'injure
Sans se rendre jamais coupables de parjure,
Préférant la mort-même aux factices bonheurs
Que, pour les terrasser, vantaient leurs tourmenteurs.
Mon Dieu, tant de veilleurs, de priants et d'ascètes,
Tant de pèlerins fous, d'oblats, d'anachorètes
Ont brûlé sur l'autel de votre majesté
Cet encens de silence en leur âme apprêté.
Hélas, mon pied trébuche et ma lampe vacille …
Hélas, c'est de fumée que mon aile s'habille,
Alors que je voudrais en vos clartés chanter,
Jusqu'à Vous m'élever, sur vos parvis danser !
Je suis ce sable nu que la tempête emporte,
Je suis de cendre éteinte et de poussière morte,
Quand il faudrait saisir, dans l'ombre de la Croix,
Le regard de Celui qui périt sur le bois …
Il est des jours mauvais, des aurores brisées,
Des heures de néant, des vagues déchirées,
Où l'air n'est que vertige, où la rose des vents
Chavire dans l'abîme où s'effondre le temps.
Mon Dieu, pour cette lutte accordez-moi les armes :
Je Vous offre ma joie née du fond de mes larmes ;
De Vous je l'ai reçue, et ce que Vous donnez
A qui Vous en supplie, point ne le reprenez.
Colette
Ombrefeuille © - Juillet 2020
Qui frappe à l’huis ?
Qui frappe à l’huis dès l’aurore ?
Qui frappe à midi encore ?
Chaque soir, qui frappe à l’huis ?
Et qui frappe, au creux des nuits ?
Qui s’en vient dans le silence
De la brume qui commence,
De l’ombre au fond du vallon,
D’un chemin aride et long ?
Est-ce le vent qui apporte
Son pas jusqu’à notre porte ?
Cet élan est-il hasard
Ou clarté de son regard ?
Debout sous les giboulées,
Parmi les feuilles tombées,
Sur notre seuil vieillissant,
Il se tient là, il attend.
Il faudrait ouvrir sur l’heure
Pour que dans notre demeure
Le repos lui soit donné,
Mais … où est cachée la clef ?
Nous cherchons sous la poussière,
Fouillons la maison entière,
Dérangeons tous les objets,
Froissons leurs sommeils secrets …
Sous notre lampe immobile,
Il vient de s’asseoir, tranquille,
Car il est l’Ami, la clef,
Le repos tant désiré.
Il frappe à l’huis dès l’aurore,
Il frappe à midi encore,
Chaque soir, il frappe à l’huis,
Et il frappe, au creux des nuits.
Colette
1er novembre 2018
D’après Apocalypse III – 20 :
« Voici que je me tiens à la porte, et je frappe »
Sur le chemin j'irai …
- Maillet -
Sur le chemin j'irai, car l'heure y est nouvelle :
Je sais que s'y tient l'aube et que s'ouvre déjà
Le frêle tremblement d'une fleur simple et belle
Qui gardait en son pli la nuit endormie là.
Quand la brume luira des rayons du lointain,
Sur le chemin j'irai, car l'heure y est nouvelle,
Et je caresserai d'un souffle de ma main
Le clocher du vallon, le vol de l'hirondelle.
Alors se cachera l'ingénue tourterelle,
La fontaine aura mis son habit le plus beau ;
Sur le chemin j'irai, car l'heure y est nouvelle,
Je suivrai blanche plume et doux murmure d'eau.
J'aurai entre les bras tout l'azur accouru,
Des lutins et des fées dansant la tarentelle,
Puis, retrouvant la clef d'un rêve interrompu,
Sur le chemin j'irai, car l'heure y est nouvelle.
Colette
Ombrefeuille © - 26 mai 2020
Visage ineffable
J’ai gravi la montagne où le silence écrit
L’attente de la pierre et le ciel insondable,
J’ai trouvé sous le porche où la route finit
L’abri de ton regard, ô Visage ineffable.
L’ombre de la coupole est penchée sur le soir
Et le chant de l’encens, vaste et souple, s’élève.
Tu marches parmi nous, chez nous Tu viens T’asseoir,
Ton souffle veille encore où la flamme s’achève.
Tu calmes les tourments que cachent les fronts las,
Compagnon des cœurs purs, Voix qui soutient le monde,
Tu as saisi ma main, Tu as séduit mon pas,
Ô éternel Ami, ô Lumière profonde !
Colette
25 juillet 2007
Après une visite au Monastère Orthodoxe
Saint-Antoine-le-Grand
(Saint-Laurent-en-Royans)
À ton ombre
Les rues sont de poussière et les toits sont brûlants,
Sur les seuils éblouis la touffeur arrêtée
A capturé le temps, fermé l’aube nacrée
Et fait taire l’écho des arbres haletants.
Et l’heure qui s’étire ainsi qu’un lent soupir
N’a qu’un désir : s’asseoir dans l’ombre transparente
De la vieille fontaine où la pierre nue chante,
S’asseoir, s’abandonner, à l’ombre s’assoupir …
Comme elle je voudrais, ô éternel Ami,
Déposer à tes pieds mon feu d’impatience,
Car ton ombre est chemin, car ton ombre est silence,
Ô Toi dont la main sûre est un puissant abri.
Je voudrais écouter, ô Ami, avec Toi
La brise qui descend au galbe de la plaine,
Car ton ombre est clarté, car ton ombre est fontaine,
Toi la coupe et la soif, Toi le Pauvre et le Roi.
Enfin je voudrais boire, Ami, à tes secrets
Et m’asseoir à ton ombre avant que le jour baisse,
Car ton ombre est rocher, car ton ombre est sagesse,
Ô Toi que j’ai blessé, Toi qui ne fuis jamais …
Colette
25 août 2011
L’amour peut-il mourir ?
L’amour peut-il mourir
Au souffle de la plaine
Et le ciel se ternir
Au bord de la fontaine ?
Se peut-il que la mer
S’ennuie sur le rivage
Et que s’y perde, amer,
Le reflux du naufrage ?
L’étreinte de la main,
L’appui sûr de l’épaule,
Le silence serein
Qu’un simple regard frôle,
Peuvent-il se faner
Au pas du temps qui passe ?
Faut-il donc s’en aller
Quand la flamme s’efface ?
Ne peut-on espérer ?
Ne peut-on croire encore ?
Ne peut-on désirer
Les clartés de l’aurore ?
Hélas … L’amour souvent
Traverse l’eau glacée
Du doute lancinant
Et la lande pelée
Où gisent les regrets.
L’adieu est une dune
Où le vent à longs traits
Boit l’ombre de la lune …
Oui, l’amour peut mourir,
Et se fendre la terre,
La source se tarir,
Et les rochers se taire.
Car voici qu’on traîna
L’innocent au supplice,
Voici qu’on immola
L’agneau en sacrifice.
Alors, nu sur le bois,
Sous les yeux de la foule,
L’Amour est mort en croix,
Sous les cris de la foule.
Or il n’est de tombeau
Où la flamme ne veille,
Il n’est pas de flambeau
Où l’aube ne s’éveille …
L’Amour s’est relevé,
Plus clair que la fontaine,
L’Amour a triomphé,
Plus vaste que la plaine.
Il a saisi le vent
Qui pleurait sur la dune
Et l’a uni au chant
De la lande à la lune.
L’âme qui s’épuisait,
Il la porte et l’embrasse,
Car l’Amour ne saurait
Sombrer où tout s’efface
Et mourir à jamais,
Tant ses mots sont tendresse,
Tant ses gestes sont vrais,
Tant sa force est caresse !
Colette
Fin juin – début juillet 2018
Cantique à l'Ami
Je guetterai au bord de ce chemin brûlant
Le souffle de ton pas, la fraîcheur de ton ombre;
Dans le bruit de la foule et la vague du nombre,
Tu me verras malgré mon si timide élan.
A l'heure de midi j'irai m'asseoir au puits,
Et tu viendras, Seigneur, comme parfois la brise
Qui apaise la pierre et que le sable irise,
Comme le chant qui berce une à une les nuits.
Je me tiendrai, Seigneur, au sortir de la ville,
- On te prétend maudit, on te traite en banni -
Ton silence sera plus déchirant qu'un cri :
Ton amour est donc grand ! Mon âme est donc fragile !
Je courrai, au premier tremblement de l'aurore,
Verser sur ton repos les parfums du jardin,
Je sais que j'entendrai ta voix calme, soudain,
Je sais qu'à ton appel la flamme danse encore
Colette
Chabeuil - 18 avril 2008
Comme brûle une bougie
Comme brûle une bougie,
Je suis devant ton autel,
Dieu vivant, Dieu éternel.
Je me tiens dans le silence,
Sous l’ombre de ta clarté
Où mon pas s’est arrêté.
Comme brûle une bougie,
La pierre veille et attend,
Sentinelle du présent.
Je me tiens dans le silence,
Sous l’abri de cette nef
Où s’attarde le jour bref.
Comme brûle une bougie,
Comme s’élève l’encens,
Ainsi palpite le temps.
Je me tiens dans le silence,
Aux vitraux le soir s’en vient,
Riche de n’être qu’un rien.
Comme brûle une bougie
Et comme passe le vent,
Tout devient souffle mouvant.
Je me tiens dans le silence
Où se cache l’infini
Qui Te cherche, inassouvi …
Colette
Mi-août 2018
Le dit du juste Job
Nu je fus enfanté, nu on m’enterrera,
Car l’homme qui est né d’un souffle de lumière
S’en ira reposer au fond de la poussière,
Et sur lui l’infini du temps retombera.
L’Eternel a donné, l’Eternel a repris,
Et je me garderai du venin du murmure
Qui ferait de ma bouche une caverne impure
Et de mes pensées l’antre d’infernaux esprits.
Ainsi parlait le juste Job en son malheur,
Lui que le Ciel couvrait naguère de richesses,
Lui que la terre avait comblé de ses largesses,
Lui dont le nom brillait jadis avec splendeur.
Ses récoltes pillées, ses troupeaux massacrés,
Ses filles et ses fils tués dans la tempête,
Même la maladie, des pieds jusqu’à la tête,
Rien ne fut épargné à ses jours fatigués.
Rien ne fit vaciller la flamme de son cœur,
Ni les mots des bavards, ni l’ardeur de sa femme
A instiller le doute au tréfonds de son âme,
Et Dieu le releva du fond de sa douleur.
L’Eternel avait pris, l’Eternel a donné,
Ainsi parlait le juste Job en sa vieillesse,
Car l’homme qui gisait dans la poussière épaisse
Ira dans la lumière infinie reposer.
Colette
Mars 2017
En ses sources profondes
A celui qui descend en ses sources profondes
Il est donné d’entrer en des jardins frôlés
Par l’aile du silence et les vents esquissés
Sur le seuil deviné d’autres cieux, d’autres mondes.
Car le cœur est une arche, une grotte cachée
Où le feu du mystère a depuis si longtemps
Habité les chemins et les vallons naissants
Que la feuille est gravée sur la pierre couchée.
A celui qui descend en ses sources profondes
Il est donné de boire au creux des longues nuits
La coupe d’amertume, et de tirer du puits
La soif inassouvie, la ténèbre des mondes.
Car l’âme est un oiseau arraché aux abîmes,
Comme un cri, un élan, que ne peut contenir
Le pas de chaque jour si prompt à s’assoupir,
Comme un murmure, enfin, épris des hautes cimes.
A celui qui descend en ses sources profondes
Il est donné, parfois, de soudain se lever,
De jaillir, de bondir, d’exulter, de danser,
Sous la voûte où se tient la lumière des mondes.
Car l’aube s’est penchée sur la vague et l’écume,
La brise s’est assise au frisson du regard,
Car il n’est point trop tôt, car il n’est point trop tard,
Car l’ombre se fait douce, et légère la brume
Colette
Début septembre 2017
Frères d'élection
Nous n'avons pas le même sang,
Mais la flamme qui nous anime,
Profond sommet, céleste abîme,
Nous enserre en son bras puissant.
Frères d'armes, frères de rang,
Liés jusqu'au regard ultime
Par le vœu d'un élan sublime,
Nous buvons au même torrent.
Je mourrais pour toi - Sort suprême ! -
Et tu ferais pour moi de même,
S'il fallait qu'il en fût ainsi.
Tous deux saisis par l'invisible
Et chacun par l'autre choisi,
Nous vibrons d'un souffle invincible.
Colette
Ombrefeuille ©
Mi-octobre 2019
Homme libre …
Homme libre, jamais ne chériras l'amer,
Car toujours chercheras la sublime envolée
Au-dessus du commun, loin de l'âpre mêlée
Où ton aile, parfois, tombe encore et se perd.
Affranchi du tumulte effréné des bavards
Dont tu perçois le vide empli d'incomplétude,
Tu prises les beautés de Dame Solitude
Qui ont charmé ton cœur et ravi tes regards.
Tu connais cependant la soif des longs déserts,
Cette marche immobile en des terres arides,
Ces mirages, passant tels des souffles rapides
Sur la crête du doute aux abysses pervers.
Et tu ne prétends pas à ta guise jouir
Du temps qui t'est offert et des feux de la vie,
Car ce sont là trésors qu'une âme inassouvie
Briserait sans retour, se piquant d'éblouir …
Mais tu sais qu'une source en ton antre secret
Coule, et comme un écho très pur de l'empyrée,
Te porte vers le large où ta quête émondée
Te pousse à préférer l'audace au vain regret.
Ainsi peux-tu poser des actes de vertu
Qui élèvent le monde et ton étoile ensemble,
Ainsi ton pas est sûr et ta main point ne tremble,
Dusses-tu pour cela demeurer inconnu.
Colette
Ombrefeuille © - Avril 2020
Je te délivrerai
Du sommeil de la terre
Dont tu fus façonné,
Tu avais conservé
L’espace et le mystère
Où j’avais ma demeure,
Et je m’y reposais,
Et je te visitais
Lorsque descendait l’heure
Où s’attardait la brise,
Au jardin où ton pas
Répondait à mon pas
Parmi l’ombre indécise.
Je t’avais créé libre
Dans le creuset du jour,
Insufflant mon amour
Jusqu’en ta moindre fibre,
Ménageant une flamme
Au tréfonds de ton cœur,
Parant de ma splendeur
Et ton corps et ton âme …
Mais, froissant mon poème
Niché dans ton secret,
Voici que tu t’es fait
Prisonnier de toi-même.
Aux sentes désolées
Où tu pars en exil,
Ton œil s’abreuve-t-il
Aux aurores penchées
Sur les flots de ta peine ?
Tu n’es plus que dépit
Harassé, sans répit,
Sur ta rive lointaine
Où se perdent les mondes …
Je te délivrerai
Et je te guérirai,
Car tes plaies sont profondes …
Colette
Chabeuil - Maison Nazareth
2 – 3 avril 2019
Les litanies du Saint Baiser
Baiser au seuil de la nuit
Où le poids du jour conduit …
Baiser où l’ombre palpite,
Où la solitude habite.
Baiser au pied de la Croix,
Sans forces, pauvre et sans voix …
Baiser fragile de l’heure
Où la fatigue demeure …
Baiser que la longue nef
Pose sur ce souffle bref …
Baiser calme du silence
Où l’encens s’élève et danse …
Baiser venu des vitraux,
Effleurement du repos …
Baiser tremblant de la pierre
Au tréfonds de la lumière …
Baiser des cierges brûlés
Depuis des temps reculés …
Baiser des clartés d’aurore
Où la source veille encore …
Baiser qui tient tout de Vous
Et qui s’en remet à Vous …
Baiser du cœur, impalpable,
Sur Votre Face Adorable …
Colette
8 – 9 mars 2019
Matricule 16670
Les prisonniers sont là, debout,
Depuis le matin immobile,
Sous le midi d'un soleil fou,
Et jusqu'au soir dément, fébrile.
Les heures n'en finissent pas
De sombrer, vides, sans substance.
Les gardes qui font les cent pas
Pétrifient même le silence.
Une voix claque durement :
"L'évadé demeure introuvable.
Vous connaissez la loi du camp,
Vous savez qu'elle est implacable."
Un à un dix sont désignés,
Et sur eux tombe la sentence
Qui les laisse seuls, résignés,
Sans aucun espoir de clémence.
Voici que l'un des condamnés
Soudain sanglote et se lamente :
"Mes pauvres enfants adorés !
Ma chère femme si aimante !"
Quelqu'un, décidé, sort du rang,
Le corps frêle mais l'œil sagace :
"Je suis un prêtre vieillissant,
De cet homme je prends la place."
A ces mots l'instant s'est figé :
Aurait-il donc perdu la tête ?
Enfin l'échange est accepté :
Qu'il soit fait selon sa requête !
Lors, vers le Bunker de la Faim
S'en vont ceux que le sort accable,
Et déjà sur ce souterrain
Se clôt un néant insondable.
Quand le jour vient d'en retirer
Ce qui n'est plus que chair sans vie,
On voit encore respirer
Le prêtre, au fond de l'agonie.
On l'achève, mais sur ses traits
Une douceur insoutenable
Abat les murs les plus secrets
Du cœur, fût-il impénétrable.
Colette
Ombrefeuille © - Décembre 2019
Ecrit en hommage au Père Maximilien Kolbe (1894 - 1941), prêtre franciscain polonais arrêté avec sa communauté par les nazis le 17 février 1941, puis transféré au camp d'Auschwitz le 28 mai de la même année.
Fin juillet 1941, l'un des codétenus du Père Kolbe parvient à s'évader.
Tous les prisonniers du bloc (le bloc 14) sont contraints de demeurer immobiles, sans eau ni nourriture, une journée entière, tandis que les autorités du camp font rechercher le fugitif. Sans succès.
Selon la loi en vigueur au camp, dix hommes doivent "payer" par leur mort l'évasion de leur compagnon de détention.
Devant l'extrême désarroi d'un père de famille, le Père Kolbe offre de prendre sa place. Il périt donc avec neuf autres captifs dans le "Bunker de la Faim", totalement privé d'eau et de nourriture.
Alors que dans de telles conditions il est habituel que les condamnés s'entretuent au bout de quelques jours, on sait que le Père Kolbe parvient à maintenir un climat de dignité humaine et à préparer ses compagnons à la mort inexorable.
C'est le 14 août 1941 qu'un "Kapo" est chargé de retirer les corps sans vie des infortunés. A sa grande surprise, le Père Kolbe respire encore. En l'achevant d'une injection létale de phénol, le "Kapo" ne parvient pas à soutenir le regard du prêtre, tant ce regard est empreint de douceur.
En 1971, l'Eglise Catholique béatifie le Père Kolbe comme "Confesseur". Puis en 1982 elle le canonise, en présence de l'homme de qui il avait sauvé la vie.
Source de ce résumé : Wikipedia.
La paix des monastères
Il y a dans le creux des campagnes tranquilles,
Au bout des lents chemins dont le temps s’est épris,
Sous l’écho des forêts où les jours sont assis,
Ces clochers vigilants, ces voûtes immobiles.
C’est la nef qui palpite au pas de la prière,
C’est le chant déployé, pur, limpide et galbé,
Les vitraux attentifs, l’Infini contemplé,
La pierre qui respire au fond de la lumière.
Là s’ouvre peu à peu le cœur de toute chose,
Là s’attarde, effleurée, la senteur de l’encens
Où s’éloignent les cris, les peurs et les tourments,
Là l’homme que la vie a brisé se repose.
Que demeure à jamais la vieille ombre des cloîtres
Où l’air frémit à peine au souffle de celui
Qui se rend à Complies, à l’orée de la nuit ;
Que s’élève toujours le silence des cloîtres.
Il se niche un trésor aux porches tutélaires,
Il se cache en ces lieux un joyau deviné,
Une aurore entrevue, un peu d’éternité,
Il se chuchote ici la paix des monastères.
Colette
22 – 23 mai 2017
Pourrons-nous encore …
Pourrons-nous encore longtemps
Flâner librement dans les rues
Sous la caresse du printemps
Et nous enlacer à mains nues ?
Car il est des cieux assombris
Où un simple regard de femme
Est voilé de tant d’interdits
Que s’assèche le fond de l’âme …
Pourrons-nous encore longtemps
Veiller, en quêteurs de lumière,
Du silence des soirs tombants
Au frisson de l’heure première ?
En certain pays les bourreaux,
Remplis d’une morgue tenace,
Abattirent jusqu’aux oiseaux
Car ils chantaient, suprême audace !
Ces démons chez nous ont surgi,
Comme d’un trouble marécage,
La haine au cœur, et dans un cri
Ils ont pris Allah en otage !
Allons-nous encore longtemps
Nous contenter de mots, de larmes ?
Pourrons-nous encore longtemps
Eviter le fracas des armes ?
Colette
Avril 2019
Prière pauvre d'une âme en quête
Sagesse sans commencement,
Plus vive que le firmament,
Toi qui as fait l'eau des fontaines
Et tissé la brume des plaines,
Lumière où se tient le matin,
Toi qui n'auras pas de déclin,
Brise plus vaste que les mondes,
Blottie dans les forêts profondes,
A mon âme daigne accorder
Le réconfort de ton toucher,
La caresse de ta présence
Et le souffle de ton silence.
Verbe où le cosmos est enclos,
Où le temps trouve son repos,
Toi dont la main posa la terre
Dans le clair-obscur du mystère,
Toi qui règles le mouvement
Du sidéral foisonnement
Et qui revêts la fleur fragile
D'un voile de rosée gracile,
En mon âme daigne verser
L'onde qui coule du rocher,
Le murmure de ta présence
Et le torrent de ton silence.
Soleil de Justice annoncé
Par les prophètes du passé,
Fils éternel de la Promesse,
Visage pur de la Tendresse,
Ami venu sur nos chemins
Apaiser la soif des lointains,
Reçois du tréfonds de mon âme
Le plus intime de ma flamme,
Reçois l'or, la myrrhe et l'encens,
Les rimes, les mots et les chants,
Reçois, ô Toi qui es Présence,
L'abîme nu de mon silence …
Colette
Ombrefeuille © - Début mars 2020
Rebâtir Notre-Dame !
Rebâtir Notre-Dame !Rebâtir Notre-Dame,
Redresser ce vaisseauSon silence profond,
De lumière ! Il le faut !L’écho de son bourdon !
Ce cri du fond de l’âmeCe cri du fond de l’âme
Se répand et grossit,Ne cesse de monter
S’élève et retentit. Sous le ciel effondré.
Rebâtir Notre-Dame !Rebâtir Notre-Dame !
Lui rendre sa splendeur,Arracher à la nuit
Sa grâce et sa hauteur !Ce qu’un soir a détruit !
Ce cri du fond de l’âmeCe cri du fond de l’âme
Nous habite déjà Tire de la douleur
Et point ne s’éteindra.L’espoir et la ferveur.
Rebâtir Notre-Dame !Rebâtir Notre-Dame !
Car le feu ravageur Car en elle est tapi
Ne peut être vainqueur !L’élan vers l’infini !
Ce cri du fond de l’âmeCe cri du fond de l’âme,
Se fait vaste et puissantPaisible et déchiré,
Comme l’eau d’un torrent.Touche l’éternité.
Colette
Ecrit le 15 avril 2019 en soirée et au cours de la journée du lendemain
TRIPTYQUE DU GRAND CARÊME
I – Te conduire au désert
Toi que j’aime et pour qui j’ai formé l’univers,
Toi que j’aimais avant le temps de ta naissance,
Ô toi que j’aimerai par-delà les enfers,
Pourquoi ton cœur a-t-il, aux rives de l’absence,
Abandonné soudain le souffle de mon Nom ?
Ton âme est devenue un creuset d’amertume,
Une source tarie, une étrange prison,
Où s’échoue toute joie, diluée dans la brume.
Laisse-moi m’approcher, te saisir par la main
Et poser mon regard sur tes larmes amères.
Laisse-moi dessiner sous tes pas le chemin
Vers ces hautes vallées qui nous étaient si chères.
Laisse-moi te conduire au puits de ce désert
Où le vent d’un manteau vêtira ton visage.
Laisse-moi chaque nuit veiller sous le ciel clair
Auprès de ton sommeil mouvant comme un mirage.
Alors tu sentiras les attaches du bruit
Desserrer leur étreinte et glisser jusqu’à terre ;
Dans ton corps épuisé le poids mort de l’ennui
Fera place à l’élan murmuré du Mystère.
Tu goûteras la danse effleurée des clartés
De l’aurore esquissée parmi la solitude,
Tu entendras ces chants trop longtemps écartés,
Et dont le galbe pur touche à la plénitude.
Tu trouveras enfin, tout désir dépouillé,
Ton silence et tes mots, ton intime poème,
Et je te rouvrirai le trésor oublié
De ton rythme profond, te rendant à toi-même.
Sur les plaies avivées qui tourmentent tes jours,
Je verserai le baume incréé de la Grâce.
Je te fiancerai à moi, et pour toujours !
Nous serons l’un à l’autre, embrassés, face à face …
Colette
Mars 2019. D’après :
Osée II – 16 : « Voici que moi, je l’attirerai, et la conduirai au désert, et je lui parlerai au cœur. »
Osée II – 21 : « Je te fiancerai à moi pour toujours. »
Cantique des Cantiques II – 6 :
« Que sa main gauche soutienne ma tête, et que sa droite me tienne embrassée ! »
Cantique des Cantiques II – 16 :
« Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui.
La voix de l’océan
Depuis le fond des temps jusqu’à l’éternité,
De la rive lointaine au phare solitaire,
La voix de l’océan, tranquille majesté,
Mêle la vague au sable et le ciel à la terre.
De la rive lointaine au phare solitaire,
La houle qui s’éprend du mot de liberté
Mêle la vague au sable et le ciel à la terre,
Unissant le tumulte à la sérénité.
La houle qui s’éprend du mot de liberté
Sur la crête du vent demeure de mystère,
Unissant le tumulte à la sérénité,
Car ainsi le sublime épouse l’éphémère.
Sur la crête du vent demeure de mystère
Ce silence qui gronde, égale immensité,
Car ainsi la sublime épouse l’éphémère,
Depuis le fond des temps jusqu’à l’éternité.
Colette
8 – 9 mai 2019
Adultère !
La journée commence à peine
Dans la lumière sereine,
Et voici que le parvis
Retentit soudain de cris.
On jette dans la poussière,
Là, devant la ville entière,
Une femme qui se tait,
Accablée d’un lourd forfait.
« Rabbi ! Elle est adultère,
Cela ne fait point mystère !
Moïse nous l’a dicté :
Nous devons la lapider ! »
D’une main épouvantée
Et tremblante, l’accusée
Semble demander merci,
Cherche à se faire un abri.
D’une voix de pur silence,
Le Maître rend la sentence :
« Que veuille bien commencer
Celui qui est sans péché ! »
Elle attend, elle se fige …
Alors survient un prodige
Où ses sens restent saisis :
Un à un, tous sont partis !
Les voilà seuls, face à face,
Et sans la moindre menace,
Il a posé son regard
Sur elle, plus doux qu’un nard.
« Ils ne t’ont point condamnée ?
Moi non plus ! Sois délivrée
Des chaînes de tes méfaits,
Ne pêche plus. Va en paix ! »
Colette
Chabeuil – Maison Nazareth - 5 avril 2019
D’après St Jean VIII – 1 à 11
Il t'a cherché(e)...
Il m’a aimée
Je suis un être créé
Qui ne vient pas de nulle part.
Je suis un être aimé
Qui ne va pas nulle part.
La vie a un sens !
Dans cet espace immense, où brille la lumière,
L’étendue m’appartient ;
Dieu me prend par la main
Et mon âme frémit à son amour divin.
Je souris au jour,
Il se lève et m’apaise ;
Car à jamais s’enfuit
Ce rêve qui tour à tour
Soulève la tempête
Ou réveille ma peur.
La brume se déchire en lambeaux qui s’étirent
Et bientôt se dissipent.
Une clarté bienfaisante se fraye un chemin
Jusqu’au fond de mon cœur ;
Un chant monte dans la nuit !
Étonnante est la voix de Celui
Qui fait vibrer la corde de l’amour !
Par le don de sa vie, mon Sauveur m’a aimée ;
Il est mort sur la croix pour ôter mon péché.
Ami ! Viens à Celui qui se tient aux croisées de ta route
Et t’offre son salut !
Il t’a aimé, Il t’a cherché, Il t’a trouvé, Il t’a sauvé.
C.B.
Cantique du prophète Élie
Au creux de la montagne et des vallées profondes,
La lumière a tonné, le silence a mugi,
Les cieux se sont rués au désert endormi,
La tempête a tremblé jusqu’où naissent les mondes.
Je voyais les rochers redoutables se fendre
Et l’abîme éclater comme un soleil trop mûr,
Je devais me cacher, trouver un abri sûr
Pour goûter, Eternel, le bonheur de T’attendre.
Il se fit un grand calme, et voici sur la terre
Le murmure secret de Ton souffle vivant,
La brise de Ton pas, l’aurore de Ton chant,
Le silence rendu, l’écho de la lumière.
Reçois, ô Eternel, l’offrande de ma flamme
Portée comme un encens, douce comme le miel,
Versée sur Tes parvis. Reçois, ô Eternel,
Sous Ta tente ma vie, la danse de mon âme.
Colette
Juin 2008
Dès l’aurore
Dès l’aurore naissante au bord de la fontaine,
Quand se pose la brume au galbe du vallon
Et que s’éteint la nuit dans la forêt prochaine,
Monte jour après jour ce chant vaste et profond.
Quand se pose la brume au galbe du vallon,
A l’heure où le silence ourle encore la plaine,
Monte jour après jour ce chant vaste et profond,
Et s’éveille la nef, immuable et sereine.
À l’heure où le silence ourle encore la plaine,
Le temps avec l’encens s’unit et se confond,
Et s’éveille la nef, immuable et sereine,
Au seuil de tes clartés, sous l’abri de ton Nom.
Le temps avec l’encens s’unit et se confond,
Pour t’offrir, Dieu Vivant, sa danse qui l’emmène
Au seuil de tes clartés, sous l’abri de ton Nom,
Dès l’aurore naissante au bord de la fontaine.
Colette
24 – 25 octobre 2018
Écrivez-moi …
Ecrivez-moi, mon cher ami,
Ecrivez-moi dans le silence
Ces mots habités d'infini,
Où la pensée, libre, s'élance.
Je vous imagine penché
Sur la blancheur nue de la page
Où votre main suit le tracé
De chaque lettre, folle ou sage.
Sur votre visage pensif
La lampe laisse sa lumière
Effleurer l'instant fugitif
Qui ombre la phrase première.
Vous me contez le chant du vent
Qui souffla fort, la nuit passée,
Et vous me rapportez comment
Votre maison en fut hantée.
Vous évoquez avec pudeur
Votre quête la plus intime,
Et vous touchez la profondeur
De votre soif la plus sublime.
Vous me dites qu'en ce jardin
Se cache la porte secrète
Ouvrant sur l'aube du chemin
Que la brume d'automne apprête.
Et tandis que, mon cher ami,
Vous m'écrivez dans le silence,
Le chat couché s'est endormi
Sur le ton de la confidence …
Colette
Ombrefeuille © - Novembre 2020
Esquisse du Pèlerin Russe
Là-bas, là où s’en va la lente et longue plaine,
Là où la neige étend son pas d’éternité,
Quelque part, le silence irisé a tremblé
Faiblement, tout là-bas, sur la route lointaine.
L’attente suspendue est à peine un murmure,
Un souffle qui grandit, un sourd bourdonnement
Grave et réconfortant, amical, bienfaisant,
Un chœur où s’est posée la forêt forte et pure.
La cloche a retenti, le temps est immobile,
La foule s’est pressée vers le porche entrouvert
Où s’avancent déjà, du fond du vaste hiver,
Les icônes, l’encens, la pénombre tranquille.
Il y a la coupole égale et tutélaire,
Il y a les regards de lumière habités,
La joie transfigurée, les murs comme effacés,
Les célestes parvis descendus sur la terre.
Il y a cette voix, enfin, basse, profonde,
Capable de porter, d’embrasser, de couvrir
La lente et longue plaine où rien ne peut finir,
Capable d’éveiller, de soulever le monde.
Et tout là-bas, au loin, où s’irise la route,
Le silence est immense et le ciel nu étreint
Le souffle solitaire au pas du pèlerin ;
Car la plaine est si vaste, et si longue la route …
Colette
Monastère Saint-Antoine-le-Grand, Saint-Laurent-en-Royans, 20 – 22 mai 2016
Esquisses d'un rameau
Branche à peine éclose au bord de l'aurore,
Frisson de la brume agrippant l'azur
Au creux du chemin où tout dort encore,
Fragile est l'envol de ton galbe pur.
Silence du jour où la plaine pose
L'ondoyant parfum de cette langueur
Qu'on croirait venue du fond d'une rose,
Puissants sont tes fruits gorgés de lenteur.
Rameau où le soir berce la colline
Aux feuilles froissées de ton au revoir,
Tandis qu'au couchant la brise s'incline,
A ton ombre, enfin, que j'aime m'asseoir !
Colette
Ombrefeuille © - Avril 2020
Esquisses d'un rameau
Branche à peine éclose au bord de l'aurore,
Frisson de la brume agrippant l'azur
Au creux du chemin où tout dort encore,
Fragile est l'envol de ton galbe pur.
Silence du jour où la plaine pose
L'ondoyant parfum de cette langueur
Qu'on croirait venue du fond d'une rose,
Puissants sont tes fruits gorgés de lenteur.
Rameau où le soir berce la colline
Aux feuilles froissées de ton au revoir,
Tandis qu'au couchant la brise s'incline,
A ton ombre, enfin, que j'aime m'asseoir !
Colette
Ombrefeuille © - Avril 2020
Je toucherai …
Je toucherai ton souffle avant que ne s'éveille
Le premier firmament,
Alors tu deviendras ce soudain tremblement,
Cette pure merveille,
Ce vitrail de ma joie, dans l'infini caché,
Où l'aurore est éclose,
Cette ébauche d'un geste où le silence pose
Son murmure effleuré.
Je toucherai d'un feu plus profond que la plaine
Ton pas sur le chemin,
Alors tu deviendras jusqu'au torrent prochain
Cette hâte sereine,
Ce vitrail de ma joie, caché dans la forêt,
En sa lumière ombreuse
Où la branche est pensive, où la feuille est heureuse,
Où le roc est secret.
Je toucherai le soir penché sur ton épaule,
Au seuil de ta maison,
Alors tu deviendras ce délicat frisson
Que la colline frôle,
Ce vitrail de ma joie, caché dans le lointain
Où la brise s'étire,
Et cette bougie-même, égale, qui soupire
Dans le creux de ta main.
Je toucherai l'instant de ta pensée dernière,
Au fond de ton cœur nu,
Alors tu deviendras cet envol entrevu
Au bord de ta paupière,
Ce vitrail de ma joie, caché puis dévoilé
Et pour toujours paisible,
Ce cristal sans défaut, habillé d'invisible,
Enfin transfiguré …
Colette
Ombrefeuille ©
Fin octobre et 1er novembre 2019
Litanies de Notre-Dame
Souveraine des Cieux, Notre-Dame des Anges,
Vous par qui Dieu reçoit le chœur de nos louanges,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Ecrin de l’infini et joie de l’Eternel,
Vous qui nous entourez d’un manteau maternel,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Vous qui, dans le secret, l’attente et le silence,
Méditez toute chose et demeurez présence,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Palais de pur cristal, ô demeure où naquit
Le Prince de la Paix quand le temps s’accomplit,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Force de ceux qui sont près de rendre les armes,
Vous qui ne méprisez ni les cris ni les larmes,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Rempart face aux assauts du doute et de la peur,
Vous devant qui l’enfer est saisi de terreur,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Vous devant qui Satan s’épouvante et recule
Jusqu’au fond de l’abîme où sa haine l’accule,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Cœur qui fut transpercé d’un glaive de douleur
Quand, inclinant la tête, expira le Sauveur,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Réconfort des mourants, ô ultime espérance
De ceux qu’appesantit le joug de la souffrance,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Refuge des errants, patrie des exilés,
Salut des prisonniers, secours des opprimés,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
…/…
Phare dans la tempête, inexpugnable asile,
Ô vous qui prenez soin de la flamme fragile,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Etoile d’où jaillit la splendeur du matin,
Rosée limpide où luit le parfum du jardin,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Visage de douceur, regard tout de tendresse,
Oasis au désert, fontaine d’allégresse,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Vitrail où sont penchées les divines clartés,
Arche où sont déposées les célestes bontés,
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Temple de l’Ineffable, où se creuse la source,
Notre-Dame, vers vous nous hâtons notre course …
Ô Vierge, intercédez pour les âmes brisées !
Prière :
Vous qui gardez nos pas, vous qui nous soutenez,
Vous qui nous embrassez, vous qui nous consolez,
Nous recourons à vous, Mère compatissante :
Daignez, ô Notre-Dame, à l’heure déclinante,
Recueillir nos fardeaux, nos voix et notre encens,
Vous par qui Dieu reçoit l’hommage de nos chants.
Colette
Avril 2019
On a frappé à la porte
Voici que je me tiens à la porte,
et je frappe.
Apocalypse – ch III – v 20
Ce que dit le pauvre en sa maison
Dans le tumulte lourd que le monde m’apporte,
Il y a ce son doux, ce souffle différent …
C’est donc Vous, ô mon Roi, qui frappez à ma porte !
C’est donc Vous, l’étranger qui se tait, qui attend !
Entrez sous mon toit pauvre où l’ombre se fait conte,
Où palpite la lampe, où le vent s’est assis
A vos pieds. Et parmi le silence qui monte,
Prenez place, ô mon Roi, les bruits sont assoupis.
Pas de faste chez moi, ici point de richesses,
Je n’ai pas de festin à vous faire servir,
Il ne se trouve pas ici de ces paresses
Que dans bien des palais on savoure à loisir.
Je ne peux vous offrir qu’un repas ordinaire,
Je ne possède ni l’art des nobles propos
Ni un brillant savoir. Une couche sommaire
Et sans atours, hélas, sera votre repos.
La nuit vous gardera, la nuit lente et propice
Au juste en son sommeil, la nuit où les secrets
Vous veilleront en paix, la nuit vaste où se glisse
La sereine splendeur des monts et des forêts …
Ce que dit le roi dans sa bonté
Je te sais gré, ami, de m’ouvrir ta demeure
Avec un cœur si simple, avec un cœur si droit …
Voici l’heure où s’approche la nuit, voici l’heure
Où je franchis ton seuil, où j’habite chez toi.
Je ne prends nul plaisir aux splendeurs et au faste
Qui séduisent les cours et aveuglent les cœurs …
Et dans l’ombre qui vient le ciel devient si vaste
Qu’il fera naître l’aube et s’éteindre les peurs.
Car je suis le désert et la source promise,
Moi qui prends place à table, ami, à tes côtés,
Car je suis souffle et roc, où ta flamme indécise
Recherche la lumière où les temps sont cachés.
Je suis ton repos même et c’est moi qui te veille,
Tandis que tout se tait au fond de ta maison,
Et c’est moi qui sans bruit me penche à ton oreille
Pour couvrir ton sommeil d’un chant calme et profond.
Je suis cet étranger qui se tient dans l’attente
Et qui frappe à ta porte, à l’orée des secrets,
Ma joie est de goûter, parmi la brume lente,
Le silence à ta lampe et l’écho des forêts …
Colette
Août – septembre 2016
Paris, 15 avril 2019
Ici s’est établie la voûte du silence,
Ici l’ombre est vêtue d’une sérénité
Qui n’est point de ce monde, et dont l’aube s’avance,
Sur les marches du temps posant l’éternité.
Or, ce soir-là, soudain, la clameur retentit :
Le feu est sous le toit, le feu est dans la place !
Il faut quitter les lieux sans délai, et voici
Qu’au dehors une foule incrédule s’amasse.
L’enfer semble accouru, et sa gueule assoiffée
Crache, crépite et gronde, en un râle profond :
C’est l’assaut ! Et la flèche élancée, ciselée,
S’embrase, veut lutter, chancèle, puis se rompt.
Alors, comme au chevet d’un blessé, d’un mourant,
Les prières, les chants, le murmure immobile
De tout un peuple, enfin, uni dans l’âpre instant,
S’élèvent, car la nuit se durcit sur la ville.
La voûte est une plaie, la pierre déchirée
Montre un ciel sidéré, un vertige béant ;
Le silence où se perd la lumière effondrée
Hésite au bord du temps, furtif comme un errant …
Colette
Août – septembre 2016
Prière des heures
Je vous salue, Marie, quand le souffle entrouvert
De l’aube se répand et se lève aux fontaines,
Quand la vallée encore ensommeillée se perd
Aux brumes du torrent né de pentes lointaines.
Danse de la rosée, promesse de clartés,
Vous dont le seul regard à la rive éblouie
Fait tressaillir l’écho des ravins esseulés,
Aurore murmurée, Vierge, soyez bénie.
Je vous salue, Marie, quand sur les longs chemins
La lumière immobile ouvre son aile ardente,
Quand le ciel nu s’arrête au bord des champs sereins
Où la plaine s’étire, égale, vaste et lente.
Sentinelle du jour, silence médité,
Vous qui tenez cachée cette heure inaccomplie
Où va frémir l’éclat du soleil déployé,
Calme du plein midi, Vierge, soyez bénie.
Je vous salue, Marie, quand le galbe du soir,
Impalpable, ondoyant, descend sur la colline,
Au clocher tourbillonne, au porche va s’asseoir,
Et déjà berce l’ombre où le couchant s’incline.
Grâce qui réjouit la senteur des sous-bois,
Douceur où, sans un bruit, la feuille s’est blottie,
Caresse refermée sur la mousse des toits,
Brise au seuil des maisons, Vierge, soyez bénie.
Je vous salue, Marie, quand repose la nuit,
Si proche et si secrète, insondable et fragile,
Où la lampe se tait, où la légende luit,
Quand la lune se voile, immuable et tranquille.
Phare où se tient caché le large flot du temps,
Arche et roc devant qui la ténèbre est saisie
De stupeur, chant profond des arbres vigilants,
Attente inépuisée, Vierge, soyez bénie.
Colette
2015
Psaume face au Tabernacle
Les yeux fermés je Te regarde,
Toi qui te tiens dans le secret,
Au bord du silence je garde
Mon âme calme et mon cœur prêt.
Je cherche et mendie ton Visage,
Toi dont les pas restent cachés
A qui se prétend fort et sage
Et se plaît dans les vanités.
Les yeux fermés je Te contemple,
Toi qui parmi nous t’es assis,
Toi qui as établi ton Temple
Chez les pauvres, chez les petits.
Je cherche et mendie ta Lumière,
Comme à la source on puise l’eau,
Comme au chemin lourd de poussière
Descend le soir, serein, nouveau.
Quand s’éteindra, à l’heure ultime,
Le dernier chant de l’ombre au creux
Du vent pensif, du souffle intime,
Et que se fermeront mes yeux,
Puisqu’il faut que toute chair meure,
Alors sans bruit je m’en irai,
Je monterai vers ta Demeure,
Les yeux ouverts je Te verrai …
Colette
2015
Requiem pour un témoin assassiné
C’était un vieux guetteur, un simple serviteur,
Ouvert jour après jour à la douleur du monde,
Tourné jour après jour vers le souffle intérieur
Où s’abreuve la marche, où la flamme est profonde.
Rien ne semblait pouvoir abattre en un instant
Ce familier des rues et des gens de la ville,
Rien ne semblait devoir arrêter brusquement
Le chemin qu’il traçait, persévérant, tranquille.
Pourtant, ce matin-là, la mort l’a terrassé,
La mort lâche, au couteau, la mort laide et cynique ;
Frappé en pleine messe, il est soudain tombé
Sous le geste brutal, sans appel, fanatique.
Il manquera toujours les mots qu’il n’a pas dits
Et les matins blesses qu’il ne verra pas naître,
Il restera toujours les ponts qu’il a bâtis
Et l’espoir d’entrevoir la main tendue, peut-être …
Que demeure toujours parmi nous la mémoire
De celui qui veillait sur le souffle intérieur,
Que demeure à jamais vivace la mémoire
De ce simple guetteur, de ce vieux serviteur.
Colette
Début août 2016
En hommage au Père Jacques Hamel
mort le 26 juillet 2016,
assassiné par deux jeunes terroristes
à Saint-Etienne-du-Rouvray
(agglomération de Rouen)
Une chapelle en Provence
Il y a la garrigue où l'été s'est couché
Parmi le romarin, parmi le thym sauvage,
Il y a le mistral qui court, ébouriffé,
La lavande froissée, le soleil sans partage.
Là commence un chemin qui conduit à l'écart,
Une sente de terre où le pas se retire,
Où le souffle s'apaise, où se tait le regard,
Où l'âme touche au but où sa quête soupire.
Un porche sans orgueil s'ouvre au simple passant
Dont les pensées cachées demeureront mystère,
Le seuil garde secret l'intime effleurement
Où le cœur va puiser l'oraison solitaire.
La voûte est basse, et l'ombre est un murmure exquis
Où brûlent des bougies sans valeur, immobiles.
Se peut-il que déjà les célestes parvis
Soient l'abri familier de ces flammes fragiles ?
Le silence est chez lui dans le fouillis des bancs
Et parmi la fraîcheur où la pierre palpite,
Le voici qui se tient, assis au creux du temps
Où, pareil aux lointains de la mer, il médite.
Qui prêterait l'oreille à la lenteur des jours
Entendrait qu'au dehors la lumière stridule
Et que l'aube a déjà ces intenses contours,
Ces senteurs éblouies au bord du crépuscule …
Colette
Début juin 2019
Inspiré par la chapelle Notre-Dame de Pépiole (Six-Fours - Var)